Le 22 juin dernier s’est déroulée la journée annuelle des blessés de la Légion étrangère.
Arrivés la veille, nos camarades blessés, accompagnés d’une délégation de chaque régiment de Légion, ont pu bénéficier d’informations, participer à des activités communes et partager leur douloureuse expérience avec ceux qui les entouraient. Et puis le quotidien souvent pénible de nos blessés a repris ses droits.
À la reconnaissance offerte lors de ce moment exceptionnel a succédé la poursuite du combat pour se reconstruire, retrouver son aptitude, reprendre sa place au régiment ou dans l’intimité d’une famille parfois meurtrie. La Légion n’abandonne pas ses blessés.
Mettre à l’abri son camarade, son caporal, son chef de groupe qui vient d’être blessé par l’ennemi et lui prodiguer les premiers soins procèdent des actes du combattant comme de la fraternité d’armes. S’assurer que chaque légionnaire blessé soit suivi et aligné sur ses droits administratifs résulte tout autant de l’article 7 de notre code d’honneur.
Un légionnaire blessé, au combat comme à l’entraînement, est un soldat qui reçoit subitement une nouvelle mission, imprévue, difficile, douloureuse : se soigner et reprendre sa place parmi ses frères d’armes. Mais ce peut être aussi un moment où la vie bascule, où elle sera changée à tout jamais. Et parce qu’une blessure peut toucher n’importe qui et survenir n’importe quand, la Légion étrangère a mis en place un dispositif pour l’aider à accomplir cette mission, quelles que soient les étapes de sa carrière.
À Castelnaudary d’abord, car tout se joue dans les commencements. Le jeune engagé volontaire qui se blesse au point d’avoir besoin de soins longs rejoindra la section d’instruction adaptée (SIA). Là, dans cette section, il pourra se reconstruire : priorité aux soins le matin et cours l’après-midi.
Dès que le médecin estimera qu’il peut suivre à nouveau sa formation, l’ex-blessé rejoindra celui des neuf groupements du régiment dont l’avancée dans l’instruction correspond à son niveau atteint. Ce niveau n’est pas celui obtenu au moment de la blessure, mais celui atteint à la fin du séjour à la SIA, afin d’optimiser le temps passé à l’instruction initiale.
La SIA est composée de légionnaires très motivés car leur blessure ne signifie pas la fin de leur parcours : leurs cadres, dont certains sont eux-mêmes d’anciens blessés, les encouragent et les guident. Dans les régiments opérationnels, si la blessure est grave, le dispositif actuel permet d’optimiser les soins mais surtout, d’envisager le retour à une vie professionnelle compatible avec d’éventuelles séquelles. Ainsi, le blessé est placé en position administrative dite Section administrative des isolés (SAI).
Il n’en perd pas pour autant ses repères : tous les isolés sont commandés par le capitaine commandant la compagnie d’administration du personnel de la Légion étrangère (CAPLE) du 1er Régiment étranger, qui est chargé de leur suivi et du respect des délais règlementaires administratifs, aspect fondamental pour les droits à reconnaissance de la blessure.
Le blessé pris en charge rencontrera ainsi tous les acteurs de la chaine : médecins, direction des ressources humaines, agence de reconversion, assistante sociale. L’objectif est de se reconstruire pour reprendre une place au sein de la “famille légion” en fonction de ses capacités ou pour envisager de quitter correctement le milieu militaire si une réforme est prononcée. Au 1er Régiment étranger, on trouve les mêmes principes qu’à la SIA du 4e Régiment étranger : le sas thérapeutique permet à ceux dont l’état le permet d’effectuer leurs soins tout en occupant un poste et accomplir des missions quotidiennes.
Cet aménagement du temps de travail proposé en totale concertation entre le commandement et le médecin permet de retrouver progressivement son aptitude en évitant la bascule en congé de longue maladie. Enfin, une instance de suivi, la commission de suivi des blessés de la Légion étrangère (CSBLE), existant depuis 2011, est spécifiquement consacrée au suivi global des légionnaires blessés.
Elle fait le point plusieurs fois par an des nombreux cas médico-administratifs afin que soient coordonnées l’ensemble des actions : ressources humaines, action sociale, soins médicaux, intérêt des familles, Foyer d’entraide de la Légion, CABAT, associations. Tout est fait pour que le dialogue soit permanent et que le blessé ne s’enferme pas, avec pour seul compagnon, la douleur. Pour la Légion étrangère, chaque légionnaire compte : le blessé d’aujourd’hui est peut-être le héros de demain.
Elle s’est battue pour que soit votée la loi de décembre 1999 dite d’acquisition de la nationalité française “par le sang versé”, permettant à nos blessés en opérations, qui en font la demande, ou aux orphelins de légionnaires tués au combat, de devenir Français. Elle met tout en oeuvre pour qu’au bout du sentier sinueux de la guérison, entre règlementation et accompagnement, le légionnaire blessé puisse trouver ou retrouver sa place.
L’adjudant-chef Kamencei, ancien du 1er BEP et du 2e BEP, figure de la Légion, n’était pas en reste sur le sujet : la maladie lui fit attendre un an et demi son départ pour l’Indochine, il fut plusieurs fois blessé au combat, alla se reposer à La Ciotat et fut même affecté un temps comme gérant de mess car déclaré momentanément inapte au service en campagne.
Moqué par certains camarades, il eut la main droite paralysée de manière inexplicable, et un jeune médecin de l’hôpital Lanessan diagnostiqua un blocage simplement dû au fait que l’adjudant-chef faisait un métier qu’il n’aimait pas. Tout rentra dans l’ordre quand ce grand soldat retourna se battre au sein de son unité.
En 2008, lors de la commémoration du combat de Camerone, l’adjudant-chef Kamencei remontait la voix sacrée en portant la main du capitaine Danjou.
par le général de brigade Denis Mistral, commandant la Légion étrangère
Editorial Képi-blanc Magazine 823
| Ref : 672 | Date : 05-08-2019 | 15577