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En nous recueillant autour de notre drapeau

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| 11 Novembre 2018 | 15358 vues

Texte lu lors de la veillée au drapeau, dans la nuit du 10 au 11 novembre 2018, dans la salle d'honneur du Musée de la Légion étrangère, au sein de la Maison Mère de la Légion étrangère à Aubagne.

Le 12 mars 2008 disparaissait le dernier “poilu” survivant de la guerre de 14/18. Lazare Ponticelli avait 110 ans et avec lui s’est éteinte la longue et glorieuse cohorte des quelques 6000 Engagés Volontaires pour la Durée de la Guerre.

En 1914, la France est une puissance reconnue en Europe. Son histoire, sa culture, son rayonnement suscitent chez les peuples européens une grande admiration et l’exemple de son histoire est un modèle pour ceux qui luttent pour leur liberté́ ou leur indépendance.

Dès que les prémices de la guerre apparaissent, et que le risque d’un nouveau conflit se précise, des voix s’élèvent pour défendre les intérêts de la France. C’est ainsi que le 29 juillet 1914 des intellectuels étrangers présents à Paris appellent au soutien de leur patrie d’adoption en danger.

Mais l’enthousiasme et l’ardeur ne suffisent pas pour faire de bons combattants. La Légion étrangère va instruire et amalgamer ces volontaires pour en constituer quatre régiments. Ces nouvelles unités s’articulent autour d’un noyau de cadres et de légionnaires fiers de leurs campagnes passées (Maroc, Tonkin...). Ils viennent des 1er et 2e Régiments étrangers, basés respectivement à Sidi-Bel-Abbès et à Saïda.

 

Quatre régiments de marche sont constitués en métropole dès 1914
 

Le 2e Régiment de Marche du 1er Etranger, commandé par le colonel Pein puis par le lieutenant-colonel COT

Le 2e Régiment de Marche du 2e Etranger, commandé par le colonel  Passard

Le 3e Régiment de Marche du 1er Etranger, commandé par le colonel Thiebault

Le 4e Régiment de Marche du 1er Etranger, sous les ordres du lieutenant-colonel Garibaldi

 

L'amalgame ne se fait pas sans quelques froissements, d'autant que la plupart des nouveaux engagés n'ont jamais fait de service militaire. Le sens de l'humain, la qualité de l'encadrement, la vie au front et ses misères, les premières escarmouches, auront vite raison des préventions réciproques, et la solidarité, grande vertu légionnaire, apparaîtra rapidement, faisant disparaître l'écume des éléments mauvais ou indésirables.

Comme le souligne l’historique du Régiment de Marche de la Légion étrangère (RMLE), « l’amalgame des volontaires de 1914 dans les unités de Légion rappelle celui de 1792 dans l’armée Royale : "au début on parlait de soldats de faïence à côté de soldats de porcelaine ; bientôt on a pu voir que toute la vaisselle allait au feu."

Ces quatre régiments sont présents sur le front de fin 1914 à fin 1915 et s’illustrent notamment en Argonne (décembre 1914), dans la Somme et à Craonne (hiver 1914-1915), en Artois (mai 1915) et enfin en Champagne (septembre 1915).

Ainsi, début mai 1915, le 2e régiment de marche du 1er étranger débarque à Saint-Pol-Aubigny, et entre dans le secteur des « Ouvrages blancs ». Il va participer à la bataille d’Artois.

Le 9 mai 1915, l’attaque est lancée et débouche à 10 heures. L’objectif à atteindre est la cote 140.

Le soir, 50 officiers et 1.889 hommes manquent à l’appel.

Le 30 mai, un important renfort permet la reconstitution du régiment.

Le 2e régiment de marche du 1er étranger, malgré ses vides, reste dans le secteur particulièrement agité de Souchez, Carency, le Cabaret Rouge. Le 16 juin, il prend part à l’attaque de Givenchy.

Sans éprouver de pertes aussi sévères que le 9 mai, le régiment, n’en compte par moins 21 officiers et 624 hommes tués, blessés ou disparus.

Le 4 juillet, le régiment part pour Montbéliard. Arrivé à destination, il trouve un renfort de 5 officiers et de 892 hommes, provenant du 3ème régiment de marche du 1er étranger, dissous. Le 2e régiment de marche ainsi porté à l’effectif de 2.060 hommes

Fin aout, le 2e régiment part pour la Champagne en prévision d’enlever le jour de l’attaque l’ensemble des positions allemandes entre la butte de Souain et la route de Souain à Somme-Py.

Le 25 septembre, sous une pluie diluvienne, l’attaque se déclenche à 9h.15.

Le 2e régiment de marche du 1er étranger est envoyé nettoyer le saillant de Presbourg, encore garni de mitrailleuses.

Les trois premiers jours de l’attaque, il ne subit que des pertes légères (9 officiers et 304 hommes tués, blessés ou disparus), mais, le 28 septembre, ayant reçu l’ordre de coopérer à l’enlèvement de la tranchée de la Kultur, il tombe sur des fils de fer intacts et perd 20 officiers et 608 hommes.

En novembre 1915, ils fusionnent pour donner naissance au légendaire RMLE.

Durant la Grande Guerre dans les rangs de la Légion passèrent près de 43 000 hommes appartenant à plus de 50 nations, dont plus de 5 000 furent tués et 30 000 blessés où disparus.

En seulement un an d’existence, le 2ème régiment de marche du 1er Régiment étranger sera cité deux fois à l’ordre de l’Armée.

La journée du 11 novembre, jour anniversaire de l'armistice de 1918 et de commémoration de la victoire et de la paix, est aussi un jour d'hommage à l'ensemble des légionnaires qui sont morts pour la France, qu'ils aient péri dans des conflits actuels ou des conflits anciens.

Depuis le 27 avril 1832 devant Maison Carrée ou la Légion étrangère reçoit son baptême du feu en perdant le lieutenant CHÂM et sept légionnaires, plus de 36 000 légionnaires ont honoré, par le don de leur vie, le contrat qu’ils avaient signé.

La Légion étrangère a su traverser le temps. Elle a résisté aux turbulences de l'histoire.

Elle a toujours su s'adapter à l'évolution des techniques et l'a même parfois provoquée. Elle montre tous les jours qu'elle est capable de s'adapter à toutes les missions nouvelles et quelquefois inattendues qui sont confiées aux armées.

En nous recueillant autour de notre drapeau, méditons ces quelques vers du  poème de Pascal Bonnetti :

 

“Le volontaire étranger”

« Le monde entier disait : la France est en danger ;

Les barbares, demain, camperont dans ses plaines.

Alors cet homme que nous nommions “l’étranger”

Issu de monts latins ou des rives hellènes


Ou des bords d’outre-mer s’étant pris à songer

Au sort qui menaçait les libertés humaines,

Vint à nous, et, s’offrant d’un cœur libre et léger,

Dans nos rangs s’élança sur les hordes germaines.


Quatre ans, il a peiné, saigné, souffert !

Et puis un soir, il est tombé dans cet enfer...


Qui sait si l’Inconnu qui dort sous l’arche immense,

Mêlant sa gloire épique aux orgueils du passé,

N’est pas cet étranger devenu fils de France

Non par le sang reçu mais par le sang versé ? »