Noël arrive. Nos cités se parent de vert et de rouge. Ce clin d’œil qui nous est fait nous rappelle les couleurs de l’espérance et du sang versé, que la Légion a choisies officiellement relativement récemment, mais dont on peut faire remonter l’héritage au vert et rouge des épaulettes des bataillons de l’armée d’Afrique en 1868. Cette parure au cœur de l’hiver nous invite à nous préparer résolument à fêter dignement un premier ou un nouveau Noël légionnaire. Noël, fête numéro 1, fête la plus lénifiante au cœur des légionnaires, écrivait le général Gaultier, Noël qui donne un sens à notre vie de légionnaire, prêchait le Père Hirlemann, Noël, fête de la famille légionnaire par-delà toutes les croyances. Pour la nuit de Noël, arrêtons-nous. Faisons la pause et fêtons l’instant présent. Dans le Noël légionnaire, célébré avec son éclat coutumier, retrouvons la chaleur, le rituel et la fidélité.
Les années précédentes, j’avais évoqué la crèche, symbole d’espérance, qui nous réunit pour que surgissent du plus profond de nous-mêmes les sentiments authentiques parfois oubliés. La naissance dans une étable d’un enfant d’une famille mise à la porte, qui ne trouve d’aide que dans les bergers, nous rappelle le devoir d’hospitalité et de générosité de la Légion étrangère. Cette crèche, dont je rappelle encore cette année le sens donné par le général Goupil, tant il traduit bien cette attente : « une crèche légionnaire : à ceux qui sont venus dans le doute, elle répond confiance ; à ceux que l’inquiétude ronge, elle apporte sérénité ; à ceux que l’isolement écrase, elle assure fraternité. »
J’avais souligné le devoir de fraternité, car sans fraternité humaine, il n’y a pas de Légion étrangère. La cohésion de nos rangs, les liens étroits qui unissent notre famille sont renforcés en cette nuit magique par l’attention portée à chacun, surtout au plus jeune, par la franchise respectueuse des propos et des échanges, quels que soient notre ancienneté et notre grade.
J’avais incité chacun à formuler des vœux d’espérance, car Noël, c’est ce qui dicte intérieurement au légionnaire, malgré les difficultés, cela vaut le coup, il faut continuer.
Prenons cette année le temps de mesurer la richesse de l’héritage du Noël légionnaire légué par nos anciens et l’impératif de le transmettre au travers des âges. Comme à la halte pendant une marche harassante, vivons pleinement cet instant de repos pour accomplir au mieux ce rite avec le souci permanent de fortifier notre fraternité d’arme. Soyons à l’écoute des plus jeunes légionnaires, souvent isolés par la barrière linguistique, pour qu’au cours du rituel du Noël légionnaire, ils prennent conscience de la richesse humaine de la famille légionnaire. Comme après la pause, repartons forts et déterminés pour relever les défis futurs, car Noël donne du sens à notre engagement et de l’espérance à notre vie ; Noël apporte à chacun ce que nous sommes venus chercher dans nos rangs et nous conforte dans notre communauté fière de son passé, confiante dans son avenir, et prête à assumer toutes les missions confiées.
Aux anciens, je souhaite que cette nuit rappelle votre appartenance à notre communauté si chère, que vous avez contribué à forger. Conservez intacte la fierté d’avoir combattu dans l’honneur et d’avoir servi dans la fidélité.
Aux légionnaires d’aujourd’hui, que Noël nous donne à tous l’occasion d’exprimer notre générosité et d’affirmer notre fidélité aux valeurs traditionnelles léguées par nos ainés, car cette fidélité est garante de notre avenir.
Pour conclure, méditons les paroles d’un grand ancien, le général Arnauld de Foïard, neuf fois cité, ce grand soldat qui fut médaillé militaire alors qu’il était aspirant au RMLE. Figure du 3e Etranger, pionnier des légionnaires parachutistes, il fut blessé à nouveau en Indochine. Rédacteur de Képi blanc à la fin de cette guerre lorsqu’il était en convalescence, il signait sous le nom de Capitaine Arnaud :
"Mais qu’est Noël pour toi, légionnaire ? Les chants qui le célèbrent sont d’amour et de paix ; toi tu es homme de guerre. Cette nuit, nombre d’entre vous ne devront-ils pas tuer ? Le sentiment de Noël est celui de la famille, du cercle qui se resserre, qui garde plus jalousement la chaleur du foyer. Tu es étranger à cela… L’homme de peine que t’a fait le destin, celui qui dans l’action cherche l’oubli, ce soir doit s’arrêter…
Regarde autour de toi. Gens de partout venus pour maintes causes, vous formez une équipe où toutes les meurtrissures sont fondues, dissoutes dans une force vive qu’admire le monde entier. Tu es soudé à cette équipe, tu es ce qu’elle est. Toutes les valeurs sont brassées et toutes s’appartiennent, chaine où le maillon le plus faible a la force du plus fort. Réchauffe-toi à votre force et essaye de faire aux autres l’amitié de te plaire parmi eux ; que ta présence même ici, par le mérite que tu en as, allume en toi le feu de la joie de l’espérance. Réconforte-toi de votre commune amitié, votre part de peines plus lourde est votre naturel trait d’union. Et si tu as cette fraternelle confiance, cette compréhension pour tes frères d’armes, la paix se fera en toi, la paix de Noël. Tu seras aux côtés de celui qui naquit une nuit dans une étable, et sans avoir été un grand de ce monde, ni laissé aucune œuvre élaborée de sa main, contraignit les humains à recompter à dater de sa naissance, en lançant l’anathème à l’homme solitaire qui refuse à son frère l’asile de son amour. "
Joyeux Noël !
Par le Général de division Jean Maurin commandant la Légion étrangère
(Képi-blanc Magazine N°805)