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Le képi blanc et la fête nationale

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| 25 Juillet 2017 | 34700 vues

En 1939, lors du défilé du 14 juillet, le képi blanc entrait dans l'histoire de France sous les bravos, les vivats et les cris de « vive la Légion ! ». Fiers, impassibles, certains de leur force comme de leur élégance, les légionnaires en prirent possession ce jour là.

J'ai désigné cette année le 4e Etranger pour défiler le 14 juillet sur les Champs Elysées, afin de mettre à l’honneur l’effort porté par les "fortes têtes" ces dernières années pour former, éduquer et instruire la vague des jeunes engagés volontaires, puis celles des sous-officiers, gradés et spécialistes, venues grossir nos rangs. La désormais traditionnelle prise d’armes du 13 juillet au Sénat a été l’occasion pour le 4e Etranger de procéder à une remise de képis blancs, à une jeune section d’engagés volontaires. Je profite de cette circonstance pour faire un retour sur les liens entre le képi blanc et notre fête nationale.

 

Le légionnaire n’est pas comme les autres, et il veut qu’on le remarque

 Dans ses souvenirs, le colonel Maire écrivait sur la période des années 1930 : « Si le légionnaire arrive à se distinguer par sa tenue étrange, disparate, lorsqu’il est en colonne, dès qu’il se retrouve en garnison il met son point d’honneur à devenir le soldat coquet, élégant même, qui n’a pas son égal parmi les autres troupes. Il est fier de ses épaulettes, de sa ceinture bleue, de son couvre-képi qui est devenu d’une blancheur éclatante, bien qu’à plusieurs reprises des ordres aient été donnés pour le teindre en marron en raison de sa grande visibilité. Mais là, on se heurte à la tradition, et le légionnaire est traditionnaliste. Il est légionnaire, il n’est pas comme les autres, et il veut qu’on le remarque. »

 Le képi blanc, avec ou sans son légendaire couvre-nuque, s’est donc identifié au légionnaire pendant cette période de l’entre-deux-guerres. Au point d’ailleurs que le légionnaire est devenu, dans le langage courant, un képi blanc. Pourtant, le port du couvre-nuque est antérieur. Il date de la conquête de l’Algérie un siècle plus tôt. Astuce imaginée pour éviter les insolations, créé officiellement vingt ans plus tard en 1850 pour la Légion et les bataillons d’Afrique, le couvre képi n’est plus porté pendant la guerre de Crimée. Il réapparait au Mexique : « Chacun devra être pourvu d’un couvre-képi, car la cause principale des maladies est l’insolation » ordonne le général Forey. Officialisé en 1874 pour les troupes qui servent en Algérie, il devient blanc dans les années 1910, par le soleil et les lavages, et s’impose au Maroc comme signe distinctif de « la Légion de Lyautey ». Vers 1920 au Maroc, l’Intendance liquide pour la Légion un stock de vieux képis marrons, que les légionnaires s’empressent de recouvrir de couvre-képis blancs. L’état-major s’insurge contre cette mode non réglementaire, mais finit par donner raison aux légionnaires, certes frondeurs, mais avant tout courageux et efficaces au combat. Pour les cérémonies du Centenaire en 1931 à Sidi-Bel-Abbès, les 2e et 3e Etrangers sont en képi blanc. Des querelles persistent cependant au Maroc avec l’état-major qui veut imposer le casque en métal ou à nouveau le manchon marron. Le légionnaire Martin relate : « Ce fut un beau chahut ! Avec quelques inspirations comme celles-là, on aurait vite fait de la Légion un collège d’enfants de troupe ! »

 

Les voilà ! les voilà ! Ce sont eux ! 

La Légion, on peut bien le redire, fut le « clou » de la revue

 C’est en fait la foule parisienne qui clôt la polémique, par son extraordinaire ovation le 14 juillet 1939 lors du 1er défilé de l’histoire de la Légion étrangère en képis blancs sur les Champs Elysées. La Légion étrangère avait certes déjà défilé à Paris pour la fête nationale, mais jamais sur les Champs Elysées. A l’issue de la campagne d’Italie, le défilé du 14 août 1859, se déroule de la Bastille à la place Vendôme ; celui du 14 juillet 1917, sur le cours de Vincennes où le Régiment de marche de la Légion étrangère arbore pour la 1ère fois la fourragère de la médaille militaire, nouvellement créée. La Légion ne participe pas au défilé de la victoire après la Grande Guerre.

 Pour ce célèbre 14 juillet 1939, laissons parler la presse de l’époque. Le journal « Vu » est dithyrambique : « La Légion, on peut bien le redire, fut le « clou » de la revue. Après avoir follement acclamé les soldats anglais, ceux de l’Empire et les nôtres, il semblait que la foule immense n’aurait plus de voix, lorsque, soudain, après un grand trou de silence, on entendit des éclats de cuivres qui la firent frissonner. « Les voilà ! les voilà ! Ce sont eux ! » Puis on se tut… Alors, on vit s’avancer une troupe massive, sombre, vêtue de kaki délavé, coiffée de képis blancs cabossés mais recouverts du bout de toile blanche que chaque légionnaire, où qu’il soit, trouve le moyen de laver et de repasser. Les visages étaient durs, brûlés, creusés de rides, mais les torses se bombaient, les jambes se raidissaient, et les têtes hautes regardaient la foule avec un dédain superbe… Ils marchaient lentement, lourdement, prenant possession du sol chaque fois qu’ils y posaient le pied, comme des hoplites pesamment armés, entraînés par le rythme large et puissant qui roulait sur les tambours et se cuivrait dans les clairons. Un moment interdite, par la beauté âpre et par l’impression de force qui se dégageaient de ces hommes ne paraissant faire qu’une seule masse, qu’un seul bloc, la foule se mit à hurler soudain – l’expression n’est pas trop forte- « vive la Légion ! » Cependant, sous cet ouragan de bravos et de vivats, ils passèrent impassibles, fiers et crispés, le menton en avant, sans daigner regarder ni les drapeaux, ni les femmes qui les couvaient des yeux. »

 Nombre d’entre eux tomberont au champ d’honneur sur le front de France, dans la neige de Norvège, dans les sables d’Afrique, et jusqu’en Italie et en Allemagne. Parmi eux, parmi tant d’autres, à la tête de sa compagnie, un prince géorgien qui ne deviendra Français que quelques mois plus tard : le capitaine Amilakvari.

 Ce triomphe du képi blanc clamé par la population parisienne se renouvelle le 2 avril 1945, où une compagnie d’honneur du RMLE défile en képi blanc et est follement acclamée, alors que la compagnie de la 13e DBLE qui la suit en bérets kaki n’attire qu’une attention polie. Trois mois plus tard, pour le 14 juillet de la Victoire, la 13 coiffe le képi blanc et est alors acclamée à la hauteur de son sacrifice de cinq années de guerre ininterrompue.

 Depuis, chaque année, dans un rite immuable de communion avec la foule, le légionnaire est fier de porter devant la Nation son képi blanc, signe de son service de la France avec honneur et fidélité.

 

  Par le Général de division Jean Maurin commandant la Légion étrangère (Képi-blanc Magazine N°801)