Les "officiers servant à titre étrranger" d'aujourd'hui restent semblables à leurs aînés. Leur point commun ? Comme pour le général Pechkoff, “la fierté du képi blanc et son âme”. Leur défi ? Suivre l’exemple de belles figures de la Légion étrangère, dont celle du capitaine Miloyevitch, héros du 1er REC en Indochine. Son commandant d’unité dira de lui à ses obsèques : “une silhouette élégante, un visage énergique et fin, un regard vif et pénétrant. Un tempérament de pur-sang, une volonté de fer, une intelligence claire et rapide. Un soldat sans peur, un homme sans reproche, un chef.”
C’est ainsi, que peu de temps peu de temps avant sa mort en 1966, le général Pechkoff terminait son dernier poème, véritable testament traduisant son attachement viscéral à Monsieur Légionnaire. Lui, l’engagé volontaire devenu général, ambassadeur de France, qui voulut que sur sa tombe de Sainte Geneviève des Bois ne figure que la seule inscription : “Légionnaire Zinovi Pechkoff ”. Né Sverdloff, fils adoptif de Gorki, Pechkoff, s’engagea à la Légion à 30 ans, pour la durée de la Guerre. Gravement blessé comme caporal en mai 1915, amputé du bras droit, cité à l’ordre de l’armée et médaillé militaire, il souscrivit, bien que réformé, un nouvel engagement comme légionnaire, avant d’être nommé officier interprète.
Il partira alors en mission aux Etats-Unis et en Russie. En 1920, capitaine, il retrouvera la Légion étrangère et sera fasciné par le Maroc : “Nous sommes les pionniers qui ouvrent une nouvelle contrée. Travailleurs primitifs aux gestes rudes, nous accomplissons la plus dure besogne. Nous sommes des rêveurs qui voyons de magnifiques possibilités dans l’avenir. Après la Légion, d’autres hommes viendront.
Ces hommes seront honorés. Leur nom sera connu. Mais ce sont nos légionnaires qui auront pavé le chemin.” Blessé au pied pendant la guerre du Rif, il alternera entre 1930 et 1940, jusqu’à sa limite d’âge, des postes au Levant et comme commandant de bataillon au 4e et au 2e REI. Jeune retraité, il rejoindra les Forces françaises libres, et le général de Gaulle en fera un ambassadeur itinérant. En 1945, général de corps d’armée, ambassadeur de France en Chine, il remplira sa dernière mission avec la Légion, en accueillant les rescapés du 5e REI.
Le légionnaire Pechkoff est loin d’être un cas unique d’officier étranger à la carrière atypique et exemplaire. D’illustres noms marquent l’histoire de ces officiers étrangers : Aage de Danemark, Louis II de Monaco, le général Andolenko qui fut 9 fois cité, commanda le 5e REI, et dont les écrits d’histoire militaire font référence (fi liation des bataillons de la Légion étrangère, historique du 5e REI, histoire de l’armée russe, histoire du régiment Préobrajenski). Il y eut aussi le lieutenant Selchauhansen, héros d’El Moungar, décoré de la Légion d’honneur le jour de son enterrement par initiative de de son capitaine qui prit 8 jours d’arrêts, mais les félicitations de ses camarades. Et bien sûr, le lieutenant-colonel Amilakvari, le 1er des trois chefs de corps de la 13, morts pour la France.
Neuf officiers servant à titre étranger ont porté la main du capitaine Danjou : les lieutenants-colonels Ungerman et Sabljic, le chef de bataillon Dimke, les capitaines Riccio, Sukic, Knippel, Gomez-Urtizberrea et Cattaneo, le lieutenant Gniewek.
Aussi loin que remonte l’histoire militaire française, on trouve toujours, dans nos armées, des officiers étrangers. Souvent contraints de quitter leur pays, ils ont choisi la France comme deuxième patrie. Depuis 1831, la Légion a été leur creuset, sauf dans certains cas particuliers concernant les interprètes ou la Marine qui accueillit des officiers russes après la révolution de 1917. Trois causes majeures expliquent la présence d’officiers étrangers à la Légion étrangère : l’organisation de la Légion, la politique étrangère de la France, et la question du statut des officiers.
Avant l’amalgame des nationalités (1831- 1835) il fallut des officiers parlant la langue des unités composées de légionnaires de même nationalité : ainsi 30% des officiers étaient étrangers, mais il leur manquait la connaissance des règlements et us militaires français.
L’amalgame fut donc un choix réfléchi, et jusqu’en 1895, s’ouvrit une longue période où la question du statut fut prioritaire. La proportion des officiers servant à titre étranger n’était soumise à aucune limitation réglementaire, mais dans les faits, elle n’excédait pas les 30%. Une ouverture au corps des officiers servant à titre étranger fut faite en 1842 aux officiers français, souvent démissionnaires, ou réservistes, ou appartenant à la Garde nationale (1871), qui virent souvent dans cette opportunité l’occasion de rebondir. Mais les officiers français servant à titre étranger furent trop nombreux (les trois quarts). Le ministre prit alors en 1892 la décision de n’admettre comme officiers français servant à titre étranger que les seuls Français servant déjà à titre étranger. Jusqu’à la fin de la 1ère Guerre mondiale, l’accès à l’épaulette pour les sous-officiers de Légion était lié à leur comportement au feu.
Pour des raisons de politique étrangère, beaucoup de Saint-Cyriens à titre étranger (Indochinois, Suisses et Suisses et Danois) rejoignirent la Légion au début du XXe siècle. Puis, pendant la 1re Guerre mondiale, on compta à la Légion plus de 400 officiers étrangers, dont une majorité de Russes. A compter de 1919, le statut des officiers étrangers releva du droit commun de la fonction publique, et à partir de 1974, il fut inclus dans les statuts de la fonction militaire.
Dès lors, les sous-officiers servant à titre étranger furent autorisés à présenter les concours d’officiers.
Jusqu’à ces dernières années, les officiers servant à titre étranger n’avaient donc pas tous commencé comme légionnaires. Les admissions directes comme offi cier à titre étranger ne concernaient généralement que 10% du volume des officiers TE : Russes et Georgiens dans les années 1920, ressortissants d’Etats d’Europe centrale entre 1945 et 1950, Indochinois victimes du communisme dans les années 1970. Aujourd’hui, une quarantaine d’officiers servent à titre étranger et leur doyen, le lieutenant-colonel Hildebert, fêtera cette année son 40e Noël à la Légion.
Choisis pour moitié parmi les majors ou adjudants-chefs, ou bien ayant réussi les concours d’accès à l’épaulette (OAEA quasi exclusivement), ils restent fiers de leurs aînés. Leur point commun ? Comme pour le général Pechkoff, “la fierté du képi blanc et son âme”. Leur défi ? Suivre l’exemple de belles figures de la Légion étrangère, dont celle du capitaine Miloyevitch, héros du 1er REC en Indochine. Son commandant d’unité dira de lui à ses obsèques : “une silhouette élégante, un visage énergique et fin, un regard vif et pénétrant. Un tempérament de pur-sang, une volonté de fer, une intelligence claire et rapide. Un soldat sans peur, un homme sans reproche, un chef.”
Par le Général de division Jean Maurin, commandant la Légion étrangère (Képi-blanc magazine N° 793)