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Se préparer pour demain

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| 06 Décembre 2017 | 24280 vues

Les régiments de Légion de la 6e Brigade légère blindée et de la 11e Brigade parachutiste se préparent à être projetés en opération en 2018. Ils le font avec rigueur, ténacité, en utilisant chaque instant disponible.

 

On relègue souvent la tactique aux règlements d’emploi.

 

« Soldat d’élite, tu t’entraines avec rigueur, tu entretiens ton arme comme ton bien le plus précieux, tu as le souci constant de ta forme physique ». Le 5e article du code d’honneur du légionnaire, relatif à l’entrainement individuel, précède les deux articles consacrés à l’exécution de la mission et au comportement du légionnaire au combat. Cette continuité fait écho aux citations « Entrainement dur, campagne facile ! Entrainement facile, campagne rude », et « la discipline est la mère de la victoire » du généralissime russe du XVIIIe siècle Alexandre Vassilievitch Souvorov, l'un des rares généraux à n'avoir jamais connu de défaite au combat. Entré dans la carrière militaire comme soldat, vainqueur de plus d’une soixantaine de batailles avec souvent des effectifs inférieurs en nombre à ceux de son ennemi, Souvorov, proche de la troupe, mit toujours en avant l’esprit d’initiative et la responsabilisation de ses subordonnés. 

 

Dans la littérature militaire, les récits de batailles, les biographies, les romans, les histoires de geste, les traités de stratégie foisonnent. Ils sont d’ailleurs la plupart du temps écrits « après la guerre ». Plus rares sont les œuvres consacrées à la tactique ou à la préparation au combat. On relègue souvent la tactique aux règlements d’emploi. Quant à la préparation au combat, on la trouve la plupart du temps dans des manuels, ou bien essaimée dans des témoignages écrits par des soldats, des chefs de groupe, des chefs de section, des commandants d’unité ou de bataillon.

La Légion étrangère n’échappe pas à ce constat. « Une troupe instruite, entrainée et disciplinée est sure de vaincre », lit-on brièvement dans le memento du soldat de la Légion étrangère de 1937. Quant aux témoignages, ils soulignent tous la dureté de la phase initiatique de l’instruction du soldat, et l’exigence de la formation physique, technique et morale du légionnaire, permanente tout au long du contrat. Dans son livre Monsieur légionnaire, c’est ce que qualifie parfaitement le général Hallo en ces termes : A l’école de la Légion, la mue.

 

 

La Légion se prépare à être projetée en opération en 2018

 

Les régiments de Légion de la 6e Brigade légère blindée et de la 11e Brigade parachutiste se préparent à être projetés en opération en 2018. Ils le font avec rigueur, ténacité, en utilisant chaque instant disponible. Le magazine Képi blanc de décembre relate leur entrainement, leurs contrôles opérationnels. Je dédie l'éditorial aux régiments. Du colonel au plus jeune légionnaire, chaque jour, tous font tout pour être prêts à relever, more majorum, les défis opérationnels qui leur seront confiés, et ce, malgré les contraintes lourdes actuelles pesant sur la programmation des activités.

 

Pour faire écho aux premiers paragraphes de cet article, je recommande à tous de lire ou de relire l’un des meilleurs livres, selon moi, de la littérature militaire : la chaussée de Volokolamsk, écrit en pleine guerre en 1942 par Alexandre Beck, scribe d'un combattant kazakh, le lieutenant Momych-Ouli, désigné pour former, entrainer et commander un bataillon d’infanterie mobilisé à Alma-Ata, qu’il conduira à la guerre dans la défense de Moscou en octobre 1941. « J'ai horreur du mensonge et vous ne saurez pas écrire la vérité » disait à l’auteur ce lieutenant. Pourtant, rares sont les livres où le comportement de l'officier et du soldat à l’entrainement et à la guerre sont aussi bien décrits. Les paroles de ces guerriers sont nourries par le bon sens et une réflexion poussée :

Général Panfilov. « Un soldat ne va pas à la guerre pour mourir mais pour vivre. »

« Qu'est-ce qu'un soldat ?  C’est l’homme qui obéit à tout le monde, se tient au garde-à-vous devant ses supérieurs, exécute tous leurs ordres. C’est un subalterne, comme on disait autrefois… Mais qu’est-ce qu’un ordre quand il n’y a pas de soldat pour l’exécuter ? Un rêve, une fiction, une spéculation de l’esprit. Le dessein le plus sage ne se réalisera jamais si l’exécutant n’est pas suffisamment préparé pour son accomplissement. Le degré de préparation et la force combattive se mesure à ses soldats, camarades. C’est le soldat qui décide de l’issue de la guerre. » 

Lieutenant Momych -Ouli. 

« Sur un champ de bataille, le soldat subit les assauts de deux forces vives : le sentiment du devoir et l'instinct de conservation.  Puis il s'y mêle une troisième force - la discipline - qui assure, en fin de compte, le triomphe de la première. » 

 « Un commandement !  Seule la voix du chef peut décider du triomphe de tout ce que vous avez appris au soldat : l'honneur,  le courage, la discipline, le patriotisme. »

« Je pensais qu'une fois suffirait pour asseoir mon autorité et gagner la confiance de mes hommes - chose nécessaire entre toutes, car un chef ne doit pas compter sur ses soldats tant qu'ils ne comptent pas sur lui. » 

Le soldat Garkoucha, qui n’avait pas suivi les ordres du lieutenant le préparant à une marche, s’adresse à lui ainsi : « Qu’est-ce que vous voulez que je vous dise ? Nous autres, on est tous comme ça : on ne croit pas les discours, on veut en tâter nous-mêmes. »

 

Terminons par le bon sens du généralissime Souvorov : « l’instruction est lumière, et l’ignorance ténèbres. C’est à l’œuvre qu’on reconnait l’artisan, et si le paysan ne sait pas manier la charrue, le blé ne poussera pas ! »

 

Par le Général de division Jean Maurin commandant la Légion étrangère

(Képi-blanc Magazine N°804)