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More Majorum

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| 23 Septembre 2014 | 77625 vues

En 1948, à leur création, les légionnaires parachutistes firent leur cette devise “More majorum”, toujours pour insister sur le fait que les “cadets” de la Légion étrangère étaient bien dépositaires de la gloire des détachements issus des régiments étrangers plus anciens.

La locution latine, “More Majorum” se traduit habituellement par “à la manière de nos anciens”. Sous l’empire romain, elle désignait le nom d’un supplice destiné aux parricides. Elle a été par la suite employée quasi exclusivement à l’écrit par les juristes, les philosophes ou les théologiens.


Elle apparaît pour la première fois à la Légion étrangère le 25 février 1940, dans l’ordre N°1 du lieutenant-colonel Magrin-Vernerey, commandant la 13e Demi-brigade de marche de la Légion étrangère toute nouvellement créée : “Officiers, sous-officiers, caporaux et légionnaires du Groupement montagne, appelés à représenter la Légion hors d’Afrique, sous les yeux de troupes d’élite, et à combattre pour la plus belle des causes, nous élèverons nos coeurs à la hauteur de cet immense honneur. Devant des chefs, des soldats et des peuples qui ne vous connaissent pas ou peu, et jugeront d’après vous l’Armée d’Afrique et la Légion, vous prouverez l’esprit de corps, l’exacte discipline et l’union étroite qui cimentent la solidarité légionnaire. En votre nom, j’adresse l’hommage du Régiment cadet de la Légion à tous les chefs illustres et aux glorieux régiments qui ont conquis la célébrité de l’Arme ; dépositaires de leur gloire, par tous les détachements qui vous ont constitués, confiants dans la supériorité éprouvée de notre tradition, vous obéirez, vous attaquerez, vous tiendrez, selon la devise du Groupement “More Majorum”, à la manière de nos anciens”.

Tout est dit dans ce magnifique 1er ordre du 1er chef de corps de la 13e DBLE, le futur général Monclar :
- honneur de porter les armes pour la plus belle des causes ;
- exigence “d’être à la hauteur”;
- solidarité légionnaire au combat acquise par l’esprit de corps et la discipline ;
- reconnaissance de l’héritage glorieux légué par les anciens ;
- devoir des jeunes d’être dignes, au combat, de cette gloire héritée.
Cette locution devint alors naturellement la devise de la 13e DBLE et fut inscrite sur le 1er insigne de cette formation.

En 1948, à leur création, les légionnaires parachutistes firent leur cette devise “More majorum”, toujours pour insister sur le fait que les “cadets” de la Légion étrangère étaient bien dépositaires de la gloire des détachements issus des régiments étrangers plus anciens.

Plus récemment, les régiments étrangers de génie ont gardé cette même ligne de conduite en faisant référence, dans leur chant respectif à l’exemple des Anciens :
- les légionnaires du 1er REG “marchent sans trêve sur les pas de nos anciens”;
- pour ceux du 2e REG, qui invoquent d’abord “la terre d’Indo où tant d’anciens reposent”, “la mémoire a sonné le refrain”.

Déjà, à la deuxième moitié du XIXe siècle, lorsque furent écrites les paroles du Boudin, la référence au sacrifice des Anciens et l’exhorte des jeunes à suivre l’exemple étaient bien présentes : “Nos anciens ont su mourir pour la gloire de la Légion, Nous saurons bien tous périr suivant la tradition”. Pourquoi cette référence aux Anciens, nécessaire aux plus jeunes, est-elle une constante ?

Sans doute, comme Maurice Druon l’écrivait, parce que “la tradition est un progrès qui a réussi”, ce qui permet au jeune de mettre toutes les chances de son côté pour “être à la hauteur” dans l’action, en s’appuyant sur ce qui a déjà fait ses preuves.

Ensuite, parce qu’il faut des rites, comme le disait Saint-Exupéry. Ces rites sont indispensables pour former notre cohésion.
Ce sont les commémorations que nous vivons à la Légion étrangère, et en premier lieu celle de Camerone. Anciens et jeunes nous nous retrouvons pour honorer nos morts, nous rappeler le serment des hommes du capitaine Danjou, et redire notre fierté d’être leurs héritiers. Ces rites sont aussi présents dans notre vie quotidienne, en particulier à l’instruction et à l’entraînement au combat. Ils sont présents à table, qui permet à la famille légionnaire de se retrouver entre les sorties sur le terrain. Ils sont présents dans le chant, au bivouac, au quartier, ou dans les popotes. La liste de ces rites est longue, je n’irai pas plus loin.

Enfin, ce lien entre jeunes et anciens est surtout nécessaire, parce que la Légion est d’abord une famille, faite de volontaires venant des quatre coins du monde pour servir la France avec honneur et fidélité. Une famille, c’est plusieurs générations, qui même si elles ne vivent plus sous le même toit, portent toujours le même nom.
Chez nous, cette famille “Monsieur Légionnaire” commence par l’engagé volontaire qui reçoit son matricule, et se termine par l’ancien qui s’éteint. Tous deux, comme le psalmiste peuvent entonner :
“Nous avons entendu et nous savons ce que nos pères nous ont raconté, nous n’allons pas le cacher à nos fils.
Nous redirons à tous ceux qui nous suivent, les oeuvres glorieuses...”

Honneur à nos anciens !


Par le Général de division Jean Maurin commandant la Légion étrangère (Képi-blanc Magazine N°769)