Les mois de septembre sont propices aux belles découvertes.
Il y a un an, la Légion resserrait ses liens avec le sanctuaire de Camarón. Ce fut l’occasion d’approfondir la connaissance de notre histoire fondatrice - on ne connait que par la semelle de ses souliers – et découvrir pour l’anecdote, l’arbre endémique qui par sa fleur en forme de crevette, a donné le nom au lieu-dit du combat.
Ce mois-ci, après deux années de diètes pandémiques, accompagné des présidents de catégorie, j’ai répondu avec enthousiasme à l’invitation de la célébration d'anniversaire de la création du Tercio de Extranjeros, premier nom de la Légion espagnole. Notre enthousiasme donc, a été néanmoins durement éprouvé. La voie aérienne militaire (VAM), reposant sur un avion TBM 700 aux volets fainéants, s’est transformée en voie routière militaire (VRM) : passer du A au R signifiait 12 heures et 1 200 km de route entre notre voie sacrée et Almeria, quartier général de la brigade Rey Alfonso XIII .
Fallait-il renoncer ? “Ya lo veremos mon général !” (1)
J’empreinte et détourne avec respect cette annotation, du lieutenant-colonel José Millan Astray Terreros, à l’origine de la Légion espagnole.
En effet, en 1919, engluées dans la guerre du Rif, les Forces armées espagnoles réfléchissent à se doter d’une troupe d’élite sur le modèle de la Légion étrangère française. Millan Astray est alors envoyé auprès du général Nivelle qui, compte tenu de l’objet de sa visite, le “dirige à Tlemcen pour suivre pendant plus d’un mois, la reconstitution du régiment de marche de la Légion étrangère (RMLE) sous les ordres du lieutenant-colonel Rollet” (2). L’identité de vue entre les deux lieutenants-colonels, en particulier sur la nécessité d’entretenir une mystique du sacrifice et du travail bien fait, va porter ses fruits. Le lieutenant-colonel Millan Astray, convaincra à son retour ses autorités et deviendra le premier commandant de la Légion espagnole. Lors de sa mission d’enquête, le général Nivelle lui prête un livre intitulé “méthode de combat au Maroc”.
À la page 10, dans le paragraphe infanterie, il est écrit : “La Légion étrangère est la meilleure troupe d’infanterie européenne, solide, brave et manœuvrière : elle s’est toujours montrée à la hauteur des circonstances les plus critiques ; sans la ménager plus qu’il ne convient, le commandement a généralement intérêt à la garder en réserve. La légion traverse une crise très grave d’effectifs, mais elle se reformera et, grâce aux traditions, elle redeviendra ce qu’elle était avant la guerre, une troupe incomparable que d’autres nations peuvent nous envier, mais dont elles sont hors d’état de constituer l’analogue à leur profit.”
Sur le livre qui trône au musée de la brigade de la Légion à Alméria, la dernière phrase est soulignée à la plume et en marge du paragraphe, l’annotation manuscrite du lieutenant-colonel Millan Astray stipule avec énergie “! Ya lo veremos mon général ! au revoir.” Effectivement, le 20 septembre dernier lors d’une prise d’arme solennelle et particulièrement martiale, nous avons vu l’esprit Légion : esprit de corps, fierté, souci du détail, masse, rigueur, culte de l’ancien, attention aux familles, cohésion par le chant…et la pompe à bière. On se sentait à la maison. Leur sens du cérémonial est un modèle. Impossible d’assister à une telle cérémonie sans ressentir la profondeur de l’âme de la Légion espagnole. Le défilé des emblèmes sur le chant Novios de la muerte (3), entonné religieusement par plus de mille voix, est édifiant.
Je remercie chaleureusement le général Melchor Elvira pour son accueil. La redécouverte de notre sœur Légion fut inspirante. La devise Legionarios a luchar – legionarios a morir (4), gravée sur le mur du centenaire, nous unit.
Au revoir, mon général !
Général Alain Lardet
Commandant la Légion étrangère
Editorial Képi Blanc - Octobre
(1) “C’est ce que nous verrons !”
(2) Paul-Frédéric ROLLET , Pierre Soulié, édition Italiques, page 307
(3) “Fiancés de la mort”
(4) “Légionnaires au combat, légionnaires à la mort”
| Ref : 777 | Date : 06-10-2022 | 7802