Il y a cent ans, nos drapeaux arboraient pour la première fois, sur décision du ministre de la Guerre, la devise “Honneur et Fidélité”. En accédant à la demande du lieutenant-colonel Rollet, la France renoue fin 1920 avec une vieille tradition, révélatrice de l’engagement des étrangers au service de la France. Dès le XIXe siècle, les contrats d’engagement des légionnaires sont signés avec la promesse de servir avec “Honneur et Fidélité”. Cette fidélité qui “tient lieu de patrie aux heimatlos venus ici de tous les mondes chercher dans le service de la France un havre à leurs misères et donner une activité à leur fougue, du pain à leur faim, des aventures à leurs rêves” (1). Les légionnaires ne sont pas des apatrides et la Légion ne leur demande en aucun cas de renier leur patrie d’origine, encore moins de la combattre. Pour autant, Émile Henriot a bien noté que cette fidélité, inscrite dans la devise du régiment de Diesbach, inspirateur de la Légion, était la marque des étrangers au service de la France.
“Là où est l’honneur, là où est la fidélité, là seulement est la patrie”, (Louis d’Estouteville, gouverneur militaire du Mont-Saint-Michel pendant la guerre de Cent Ans). Comment combattre avec plusieurs patries, plusieurs fidélités au cœur ? Quelle est cette fidélité associée depuis toujours à l’honneur de combattre pour la France ? Il est un livre d’or, dans tous les sens du terme, détenu par le président des sous-officiers de la Légion étrangère qui en dit long sur l’âme légionnaire. Il recueille les mots d’adieux des sous-officiers partants, les “maréchaux de la Légion”. Il dessine peu à peu l’empreinte de l’âme légionnaire. En le parcourant, j’ai mesuré la place que la fidélité tenait pour ces étrangers, fils de France, non par le sang reçu mais par le sang versé. Derrière l’imperfection de la langue française, ces mots confiés à la postérité, écrits en regard de deux photos parfois éloignées de plus de trente ans, l’une à l’engagement, l’autre au moment du départ, en disent plus sur la place de la vertu de fidélité que toutes les réflexions philosophiques. En voici quelques traces, indélébiles :
- “Mes pensées iront éternellement vers vous ; honneur et fidélité” ;
- “Le lien de cœur avec la France et son armée et naturellement avec la Légion en particulier, sera impossible d’effacer ; avec honneur et fidélité” ;
- “La légion m’a donné cette opportunité d’une nouvelle vie et pour cela je restais toujours fidèle à ses valeurs” ;
- “C’est la vraie voie sacrée, celle que la Légion m’a fait parcourir ; j’ai donné fidélité et notre maison m’a rendu Honneur”.
Ce dernier témoignage, d’une certaine manière, clôt mes réflexions sur l’association entre honneur et fidélité. J’y trouve le ressort de notre devise.
La fidélité est le souffle de l’honneur : elle l’anime. Elle en est même un principe. Elle prend de ce fait une toute autre dimension que l’aspect statique, froid ou austère qu’elle semble revêtir aujourd’hui.
Car au contraire, la fidélité est une disposition initiale qui ouvre les portes de l’aventure et de l’inattendu.
Elle est un élan du cœur et de la volonté qui autorise tous les héroïsmes.
Contrairement au diagnostic actuel qui affirme que la fidélité aurait tendance à disparaître d’un monde qui promeut tous les vagabondages, à en croire cette faculté de notre temps à “laisser tomber” à la moindre difficulté, à la moindre lassitude, cette vertu est l’arme de la résilience, si convoitée. De fait, elle se fait source de paix dans un contexte tourmenté. C’est la fidélité qui permet de remplir la mission jusqu’au bout : fidélité à son engagement, à ses chefs, à ses principes. Pour reprendre les mots du général Gillet dans son ouvrage déjà cité, la fidélité est la “vertu qui permet de conquérir la ligne de crête d’après ou de tenir dix minutes de plus” (2).
La fidélité est assurément une valeur de l’avenir. Elle est pour nous au cœur de notre engagement : “Notre honneur, c’est de faire notre travail de notre mieux ; notre fidélité, c’est de le faire au moins aussi bien que nos anciens” (3).
Legio Patria Nostra
Général de brigade Alain Lardet
Commandant la Légion étrangère
(1) Émile Henriot, Vers l’oasis (1935), cité dans le dictionnaire de la Légion
étrangère au chapitre Honneur et Fidélité
(2) Qui est comme Dieu ? Pierre Gillet, Editions Sainte-Madeleine, p 111
(3) Ibid
| Ref : 719 | Date : 05-03-2021 | 11678