Le 11 juin dernier, soit 76 ans jour pour jour après la victoire de Bir-Hakeim, dans la Cour d’honneur des Invalides, le président de la République élevait à la dignité de Grand-Croix de la Légion d’Honneur le lieutenant Hubert Germain, Compagnon de la Libération, ancien des combats de la 13e DBLE à Bir-Hakeim, à El Alamein, en Tunisie, en Italie où il fut blessé, en Provence, en Franche-Comté, en Alsace et dans les Alpes.
Le 11 juin dernier, soit 76 ans jour pour jour après la victoire de Bir-Hakeim, dans la Cour d’honneur des Invalides, le président de la République élevait à la dignité de Grand-Croix de la Légion d’Honneur le lieutenant Hubert Germain, Compagnon de la Libération, ancien des combats de la 13e DBLE à Bir-Hakeim, à El Alamein, en Tunisie, en Italie où il fut blessé, en Provence, en Franche-Comté, en Alsace et dans les Alpes. La magnifique photo de la couverture de ce Képi blanc fait plus que relater cet événement. Le lieutenant de Bir-Hakeim et celui d’aujourd’hui portent en leur regard le lien immortel qui unit la Légion étrangère et la France, et traduisent ainsi la fierté d’avoir dit un jour librement pour une cause juste : “j’y vais”
Près de cinquante années d’âge séparent ces deux lieutenants. Alors qu’il passait le concours de l’École navale, Hubert Germain rendit copie blanche et fi t le choix dès juin 1940, à 19 ans, de la passion plutôt que de la raison : “Mais enfin ?” disait le ramasseur de copies. Hubert Germain lui répondit : “Ça ne m’intéresse pas. Moi, je pars maintenant faire la guerre. Je vais essayer de rattraper d’une manière ou d’une autre les erreurs, les fautes graves que le commandement français, que le système politique français a fait subir, ses dommages.” Il franchit le pas et quelques jours plus tard, le général de Gaulle l’envoya se former dans une école d’officier, à l’issue de laquelle il rejoignit la 13, fasciné par la Légion qu’il avait côtoyée lorsqu’il était enfant au Tonkin. Brillant, il gagna rapidement l’estime de tous. Puis la reconnaissance vint au lendemain de la percée de Bir-Hakeim : “La nuit a été chaude” dit-il à un légionnaire qui lui répondit : “pas tant que ça !” Il renchérit : “Vous trouvez vraiment ?”, et le légionnaire conclut : “mon lieutenant, à la lueur des fusées éclairantes allemandes sur le champ de bataille, on voyait votre grande silhouette, y avait qu‘à vous suivre.”
La réunification de l’Allemagne et la chute du communisme dans les pays du pacte de Varsovie ouvrirent les frontières de l’Europe de l’Est à la fin des années 80 et au début des années 90. Venant d’un pays d’Europe centrale touché par ce séisme géopolitique, le lieutenant de la 13 que l’on voit sur la photo assister le lieutenant Germain, choisit également le parti de la passion en s’engageant dans la Légion étrangère, pour des motifs qui lui furent propres comme à chacun des légionnaires qui franchit ce pas : partir, libre, en âme et conscience, pour porter les armes pour la défense d’un pays qui n’est pas le sien, mais qui depuis toujours rayonne de par le monde comme la patrie de la liberté, et qui lui donne en échange une famille.
J’ai retrouvé ces deux lieutenants après la prise d’armes. De la conversation que j’ai eue avec le lieutenant Germain, je retiens ces deux phrases qu’il m’a dites avec une lucidité et une foi qui me marqueront toujours : “La Légion, c’est le début et la fin de ma vie d’adulte.” Puis : “Gardez bien la maison !” Autrement dit, l’acte de foi du lieutenant de Bir-Hakeim à la Légion d’aujourd’hui est : “La Légion est l’alpha et l’oméga de ma vie. Prenez soin d’elle.” Au caractère immortel de la Légion, est associée la mission de la faire vivre en lui gardant son âme. Non pas en figeant les choses, mais en agissant, en toute liberté, au gré des circonstances que nous ne maîtrisons pas, pour faire vivre fidèlement le prestigieux héritage légué par nos anciens. Car la Légion est une combinaison harmonieuse de stabilité et de qualités d’adaptation qui, seules, permettent d’évoluer, donc de durer.
C’est pour cela qu’il n’y a pas qu’une seule Légion figée dans son passé, et c’est aussi pour cela qu’il n’y a pas chez elle de transition brutale, de rupture avec les usages éprouvés et consacrés. C’est cet équilibre entre la tradition et le “En avant !” qui permet à la Légion de remplir avec succès les missions confiées. Car la Légion est aussi un pari gagné. C’est ce qu’écrivait le général Gaultier : “D’êtres plus indisciplinés que d’autres, puisqu’ils rompent avec le monde qu’ils ne peuvent plus supporter, elle fait la troupe la plus cohérente, la mieux tenue. Et sa discipline stricte mais volontairement acceptée par l’esprit et par le cœur, après les révoltes du début, est absolument consciente ; elle laisse à ses hommes dans la force de l’âge, de toutes origines, de tous niveaux, de toutes professions leur personnalité, le sens des responsabilités et le goût des initiatives !”
Pour que la maison soit bien gardée, soyons fi ers de l’héritage légué par nos anciens, et prêts à dire comme eux, More majorum : “En avant !” Alors, chacun se rappellera cette consigne du mémento du soldat de la Légion étrangère de 1937 : “dans ton uniforme de légionnaire, tu peux regarder tout le monde en face !”
Par le Général de division Jean Maurin commandant la Légion étrangère
(Képi-blanc Magazine N°811)
| Ref : 630 | Date : 08-06-2018 | 16989