« Soldats, savants, serviteurs »

En échos au thème qu'elle a choisi pour l'année 2018 " tu n'abondonnes jamais ni tes morts, ni tes blessés ", la Légion étrangère souhaite honorer pour la cérémonie de Camerone à Aubagne ceux qui au combat, hier comme aujourd'hui, ont été blessés, et ceux qui ont secouru et soigné leurs frères d'armes meurtris dans leur chair, répondant ainsi au cri du coeur du dernier carré des légionnaires de Camerone qui, chaque année le 30 avril résonne en nous sur nos places d'armes comme un commandement : " nous nous rendons si vous nous promettez de relever et de soigner nos blessés et si vous nous laissez nos armes ".

La garde de la main du capitaine Danjou

J’ai désigné le médecin-colonel (er) Rondy comme porteur de la main du capitaine Danjou. Dans l’histoire des commémorations de Camerone, ce sera la deuxième fois que cet honneur revient à un médecin, 44 ans après le médecinaspirant Sebileau. Soldat au Régiment de marche du Tchad pendant la campagne de France et d’Allemagne en 1944 et 1945, médecin-lieutenant au 1er BEP pendant toute la bataille de Dien-Bien-Phu, prisonnier du Vietminh, blessé à trois reprises, le médecin-colonel (er) Rondy a consacré sa vie aux autres, y compris à la retraite où depuis de nombreuses années il aide ses camarades dans leurs démarches administratives relatives aux pensions, à la réforme, à l’invalidité.

Il sera entouré de deux maréchaux de la Légion : l’adjudantchef (er) Ruiz, qui connut la captivité en Indochine, et l’adjudant-chef (er) Ende, qui fut blessé à plusieurs reprises en Algérie. Derrière eux, marcheront l’adjudant-chef (er) Lemonon, infi rmier confi rmé par de nombreuses opérations extérieures, le caporal-chef Jerabek, jeune auxiliaire sanitaire médaillé militaire, et l’ex légionnaire de 1re classe Hoareau, grièvement brulé lors de l’opération intérieure Harpie en Guyane en 2013.

Cette garde de la main du capitaine Danjou est là pour nous rappeler la solidité du lien étroit qui unit les équipes médicales et les blessés.

 

des soldats et des savants

Médecins, infirmiers et auxiliaires sanitaires sont, comme le disait le duc d’Orléans, brillant général de l’armée d’Afrique, “des soldats et des savants”.

Soldats, ils le sont comme leurs frères d’armes avec lesquels ils supportent fatigues, souffrances et dangers de la guerre. À la Légion, le dévouement engendre le dévouement. Au cours des guerres que la Légion a connues, et aujourd’hui en opération extérieure, ce même dévouement les anime : 21 médecins sont morts pour la France dans les rangs de la Légion, et l’avant-dernier des offi ciers dont le nom est inscrit sur les murs de la crypte à Aubagne était médecin au 2e REP.

Quant aux infirmiers et auxiliaires sanitaires tués au combat, on ne saurait les dénombrer. Savants, ils le sont par le courage au service du savoir et de l’esprit de recherche et d’observation. Les progrès du soutien médical opérationnel sont en effet souvent obtenus par l’esprit d’innovation des équipes médicales régimentaires. J’ai consacré un éditorial aux blessés (Honneur et respect au courage malheureux, KB 781). Je souhaite que ce Camerone soit pour eux la marque de notre gratitude pour leur sacrifice, et qu’il représente un signe tangible d’espérance.

Le hasard fait que dans ce même numéro de KB sont annoncés les noms du porteur de la main du capitaine Danjou et de ses accompagnateurs, et est relaté le départ du Père Lallemand. À cette garde de serviteurs composée d’un médecin, d’un infirmier, d’un auxiliaire sanitaire, d’anciens prisonniers ou blessés, répond en écho notre fidèle aumônier, soldat et serviteur qui aime à dire : “celui qui veut être le plus grand, qu’il se fasse serviteur des autres”. Padre, cette garde vous a entendu !

 

Monsieur Légionnaire vous dit : “Merci !”

Je souhaite terminer cet éditorial en rendant hommage aux médecins de Légion, en citant le docteur Bonnette qui écrivait au lendemain du centenaire de création de la Légion étrangère, non sans une pointe d’humour :

“le médecin de Légion doit réunir, à un bon savoir professionnel, des qualités physiques et morales bien trempées. Il doit avoir une certaine habitude de la troupe et des notions assez étendues sur les maladies exotiques… qu’il sera un jour appelé à traiter et à combattre…

Soumis au déplacement de ces bataillons d’assaut, il est désirable qu’il soit célibataire, robuste, dans la force de l’âge, expérimenté, dévoué, d’une riante intrépidité à la française qui lui fasse mépriser le danger et secourir les blessés sous les balles de l’ennemi… Il doit être vigoureux, d’aspect agréable, de tenue correcte, montant bien à cheval, d’un abord franc et courtois, les interrogeant avec calme, ne proférant jamais une parole malsonnante, ne faisant jamais un geste déplacé, sachant excuser certaines fatigues, certains embarras gastriques…

La sévérité doit être réservée aux meneurs, aux simulateurs, qui, s’ils ne sont pas évincés dès le début, exploitent leurs ruses et empoisonnent le service médical. La bonté n’exclut pas la fermeté… Pour apprécier les légionnaires, il faut les connaître, vivre au milieu d’eux, les voir à l'œuvre et les aimer.”

Docteurs, infirmiers, auxiliaires sanitaires, blessés, Padre ! Monsieur Légionnaire vous dit : “Merci !”

 

Par le Général de division Jean Maurin commandant la Légion étrangère
(Képi-blanc Magazine N°808)

| Ref : 611 | Date : 10-04-2018 | 18514