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Le KB-Mag : «Marque particulière : grand esprit de famille»

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| 03 Juillet 2017 | 23493 vues

"On le prendra comme on voudra mais, dans une certaine mesure la terre tourne à l’ombre du képi blanc." C'est avec cette formule provocante que le capitaine Gheysens, premier rédacteur en chef du magazine képi blanc, annoncait la parution du premier numéro de cette institution qu'est devenu ce mensuel de la Légion étrangère. La volonté est d'en faire une lettre de famille plus qu'un journal de communication. Aujourd'hui encore, le légionnaire engagé au Mali prend des nouvelles de son camarade stationné à Mayotte... c'est ainsi que la terre tourne encore !

Baptême au champagne

 

Fin novembre 1946, le capitaine Gheysens, officier chargé du service de l’information du Dépôt commun des régiments étrangers, trouva dans un dossier revenant du chef de corps, le colonel Gaultier, une note de ce dernier lui demandant d’envisager la création d’un journal à caractère légionnaire. Son premier réflexe fut de classer cette note, à la suite de quelques autres, dans un dossier sur lequel était calligraphié un mot pourtant très simple, mais lourd d’espoirs et de projets : « Instance ». Mais quand deux semaines plus tard, une autre note du colonel Gaultier vint lui demander si le journal était susceptible de paraître dans quinze jours, c’est-à-dire pour le 1er janvier 1947, le capitaine Gheysens, assisté seulement d’un sous-officier, comprit l’urgence de la mission donnée. Quatre mois plus tard, le 30 avril 1947, grâce aux conseils de l’Echo d’Oran qui fournit également le papier, et à l’aide de la Maison Roidot qui mit à disposition son matériel d’imprimerie, naquit le 1er numéro de Képi blanc, tiré à 15 000 exemplaires et expédié sur les cinq continents ; cette naissance fut baptisée au champagne.

 Pour le cinquantenaire le rédacteur en chef édita l’acte d’engagement suivant :

« L’an mille neuf cent quarante-sept, le 30 avril, s’est présenté devant nous, colonel Gaultier, chef de corps du Dépôt commun des régiments étrangers, M. Képi blanc, exerçant la profession de Journal d’information de la Légion étrangère, résidant à Sidi-Bel-Abbès, fils du capitaine Gheysens, ... Constatant que M. Képi blanc n’est atteint d’aucune infirmité, qu’il réunit la taille et les autres conditions requises pour servir dans la Légion étrangère,… Nous, intendant militaire… avons reçu l’engagement de M. Képi blanc, lequel a promis de servir avec honneur et fidélité pendant une durée indéterminée, le contractant a promis également de servir le corps ou toute fraction du corps partout où il conviendrait au gouvernement de l’envoyer. Lecture faite à M. Képi blanc du présent acte, il a signé avec nous. Signalement de M. Képi blanc : 64 pages, taille d’un mètre 21x29,7. Poids : 0,210 kg. Marque particulière : grand esprit de famille. »

 

Le KB Mag à 70 ans

 

Képi blanc vient de fêter ses 70 ans à Camerone et son 800ème numéro parait ce mois-ci !  70 ans, soit la durée des jours d’un roi selon Isaïe, le cours ordinaire de la vie humaine selon le psalmiste, ou bien le symbole de la régénérescence dans l’Egypte antique. Cela pour illustrer la maturité, la sagesse et la pérennité de l’œuvre lancée par le capitaine Gheysens. C’est à lui que ce numéro de Képi blanc est dédié.

Officier Saint-Cyrien au rayonnement extraordinaire, qui commença sa carrière chez les tirailleurs tunisiens, le capitaine Gheysens rejoignit la Légion en 1939, et fut fait chevalier de la Légion d’honneur au feu comme commandant de la 3ème compagnie du 11ème REI. Prisonnier au camp de Lübeck, il retrouva la Légion étrangère après la guerre, appelé à y servir à nouveau par le colonel Gaultier qui l’avait connu au feu au 11ème Etranger. On le décrivait comme « pétri d’esprit et de finesse, fantaisiste mais énergique, passionné malgré un fort esprit critique, réalisateur obstiné bien qu’affichant volontiers un peu de scepticisme et pas mal de dilettantisme, ouvert à toutes les formes d’art… ». Il sut s’entourer d’une équipe solide pour créer le journal : le sergent-chef Dauxy, ancien préfet, un certain Deville qui signait ses articles sous le nom de Deschamps par dérision ou par humour, « homme pourri d’esprit, d’une haute culture historique et rédacteur de grand talent » dira de lui le général Hallo. Il y avait aussi Brainois, un agrégatif de grec. Plus tard, l’équipe s’agrandit encore avec un légionnaire grand prix de Rome, et d’autres légionnaires dessinateurs dont l’un finira premier décorateur de l’opéra de Paris. Ces hommes de talent restaient légionnaires : après son temps de rédacteur en chef, le capitaine Gheysens partit pour l’Indochine où il fut tué au combat en mars 1950. Quatre ans après, en juillet 1954, le sergent Mairken, premier reporter de Képi blanc envoyé en opération et son photographe le sergent Mirka tombèrent également au champ d’honneur au Tonkin. Ils furent parmi les tous derniers légionnaires tués en Indochine.

 

Un organe de liaison entre tous les légionnaires qui servent dans l’Empire

 

Les principes fondamentaux de Képi blanc ont clairement été énoncés par le capitaine Gheysens dans son éditorial du premier numéro de Camerone 1947 : « un organe de liaison entre tous les légionnaires qui servent dans l’Empire et tous les anciens légionnaires épars dans le monde est une nécessité qui se fait sentir. On le prendra comme on voudra mais, dans une certaine mesure la terre tourne à l’ombre du képi blanc. « Pas moins-se » comme on dit au Détachement de Légion étrangère de Marseille. Un organe de liaison, un journal, si je puis employer ce mot pour une publication qui ne sera que mensuelle, un journal, donc, qui racontera à Tong ce qui se passe à Taroudant, à Ouargla ce que l’on pense au Ke, un journal qui permettra à toute la Légion de savoir ce qui se passe dans toute la Légion… Un journal qui serait la lettre de famille. Un journal à la hauteur de cette grandiose Famille qu’est la Légion…»

Aujourd’hui encore, c’est bien le grand esprit de famille, la marque particulière signalée sur l’acte d’engagement de Képi blanc, qui donne toujours son sens à notre si belle revue. Car Képi blanc, en plus d’être un vecteur de la communication de la Légion, est aussi une œuvre de la solidarité légionnaire : les recettes des abonnements participent directement au bon fonctionnement de l’Institution des invalides de la Légion étrangère.

Le capitaine Gheysens terminait son premier éditorial en ces termes : « Voilà donc Képi blanc, il doit coiffer toute la Légion, c’est-à-dire qu’il doit être magnifique – indispensablement. Il le sera si vous nous aidez tous. » Pour ce soixante-dixième anniversaire et ce 800ème numéro, rendons hommage à cet officier magnifique, tombé au champ d’honneur à Don Giap en Indochine en criant « Vive la Légion ! », alors qu’il allait au-devant d’un partisan blessé. Aidons-le ! Aidons Képi blanc ! Aidons l’équipe de Képi blanc d’aujourd’hui qui fait son maximum pour poursuivre l’œuvre lancée par le capitaine Gheysens !

Que chaque lecteur s’abonne à Képi blanc, si ce n’est déjà fait, et qu’il y abonne deux amis, voisins ou camarades. Pour le capitaine Gheysens, et pour la solidarité Légion d’aujourd’hui !    

 

  Par le Général de division Jean Maurin commandant la Légion étrangère (Képi-blanc Magazine N°800)