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La même solidité que dans la compagnie de Camerone

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| 20 Avril 2017 | 19709 vues

On doit trouver dans toutes les compagnies des régiments étrangers la même solidité que dans la compagnie de Camerone... Il s’agit d’une mission, d’un ordre, plus que d’actualité. Les compagnies nouvelles doivent se tenir plus que jamais prêtes à affronter, tant sur le territoire national qu’en opérations extérieures, l’ennemi actuel : imprévisible, déterminé, destructeur et maléfique.

Le journal de marche du régiment étranger rend compte ainsi du combat de Camerone : « Le 30 avril a lieu le combat de Camerone, un des plus beaux faits d’armes des guerres modernes, combat sous lequel 3 officiers et 62 soldats ont combattu, sans vouloir se rendre, jusqu’à complet anéantissement. Ces gens, de nationalités diverses, soutenus par le sentiment du devoir, se sont fait tuer pour illustrer le drapeau sous lequel ils servaient. » Puis, le journal de marche relate le rapport du 17 août 1863 du chef de bataillon Regnault, commandant provisoirement le régiment étranger, au général de Maussion, commandant la brigade de réserve. Ce rapport se conclut ainsi : « Je suis heureux, mon général, d’avoir à vous rendre un bon compte de la conduite de la 3ème compagnie du 1er bataillon, j’ai espoir que vous approuverez sa bravoure et son énergie comme elle le mérite. Veuillez je vous prie, mettre sous les yeux de son Excellence M. le Maréchal Forey les noms de tous les braves gens qui se sont distingués dans cette journée, et lui garantir que, quand l’occasion s’en présentera, son Excellence trouvera dans toutes les compagnies du régiment étranger la même solidité que dans la compagnie de Camerone. »

 

 Il s’agit d’une mission, d’un ordre, plus que d’actualité

 

Ces deux dernières années, j’avais choisi comme thèmes pour l’éditorial de Camerone les citations célèbres « Elle n’avait que de bons soldats », et « On ne refuse rien à des hommes comme vous ! ». Cette année, je souhaite que la phrase de conclusion du rapport du chef de bataillon Regnault résonne et soit vivante dans chaque compagnie de chaque régiment de la Légion étrangère. « On trouvera dans toutes les compagnies du régiment étranger la même solidité que dans la compagnie de Camerone ». Il s’agit d’une mission, d’un ordre, plus que d’actualité. Car aujourd’hui, avec la création d’une unité supplémentaire au 2ème REI, au 2ème REP, aux 1er et 2ème REG et au 1er REC, et avec la renaissance de celles de la 13ème DBLE, les compagnies nouvelles, et toutes leurs sœurs qui ont mécaniquement été rajeunies, doivent se tenir plus que jamais prêtes à affronter, tant sur le territoire national qu’en opérations extérieures, l’ennemi actuel : imprévisible, déterminé, destructeur et maléfique. La jeunesse de nos compagnies actuelles n’est pas un fait nouveau. N’oublions pas qu’à Camerone, un tiers de la troisième compagnie avait entre trois et neuf mois de service. Mais les officiers, les sous-officiers et les gradés étaient expérimentés et aguerris, et l’amalgame entre anciens et jeunes, une réalité : le deuxième tiers de cette compagnie avait combattu en Crimée ou en Italie, et le troisième tiers avait entre un et quatre ans de services. Cet amalgame d’anciennetés, d’expériences, de nationalités, de caractères, et le commandement exemplaire du capitaine Danjou, qui appelait par leur nom tous les hommes qui venaient de lui être confiés, avaient forgé la solidité de cette compagnie, qui gagna sa plus belle victoire : le respect qu’elle imposa à l’ennemi.

Nous nous apprêtons à fêter Camerone. Qu’au-delà du traditionnel cérémonial annuel du 30 avril, cet ordre de « solidité » nous fasse réfléchir au sens profond de cette commémoration. Car du serment du capitaine Danjou, et de la solidité de sa compagnie, est né à Camerone l’esprit immuable de la Légion. Des Camerone, il y en eut d’autres dans l’histoire de la Légion. Il y en aura d’autres, et ce n’est qu’une question de temps : demain, dans 10 ans ou dans 50 ans, les compagnies, « solides », devront alors se souvenir des hommes du capitaine Danjou, et mettre leur honneur à mériter la confiance léguée par leurs anciens.

 

Fidèles jusqu’au bout, simplement, sans calcul

 

Cette année, le thème « Volontaire » nous amène à rendre un hommage particulier à ceux qui, à l’autre bout du monde, ont cru en la France, l’ont servie à la Légion, souvent au début par faim, mais qui lui sont restés fidèles jusqu’au bout, simplement, sans calcul, sans jamais trahir, souvent au péril de leur vie, et par reconnaissance pour ce que notre pays leur avait apporté. Le sergent-chef (ER) Phong Nguyen Van est l’un d’entre eux. Il est l’un des derniers témoins vivants de ces hommes qui ont tout donné pour la France en rejoignant les rangs de la Légion étrangère au combat, en Indochine. Nul doute qu’en remontant la Voie sacrée, les milliers de supplétifs vietnamiens fidèles à la France, tués ou massacrés par le VietMinh communiste l’accompagneront. Il sera entouré des pionniers et d’un carré de 11 légionnaires venant de chacune des formations de la Légion d’aujourd’hui. Ce carré, la garde actuelle du capitaine Danjou, marque la pérennité de la Légion étrangère entre ses morts, ses anciens et ses jeunes.

Que chaque compagnie prenne exemple sur le capitaine Danjou et sur tous ces volontaires. Que chaque compagnie médite ces paroles de Charles Péguy : « Soyez opiniâtres, ayez la vaillance claire, un courage de belle tenue. Soyez tout ensemble fanatiques et mesurés, forcenés et pleinement sensés. Ayez de la bonne humeur. N’acceptez pas de consentir à l’injustice ni de prendre votre parti de rien. »

Que chaque compagnie se remémore Camerone par ces paroles que citait il y a 60 ans  le colonel Lennuyeux, alors commandant de la Légion étrangère: « Cent ans de gloire et de fidélité vous lèguent ces vertus. Légionnaires, elles sont vôtres. Contre ceux qui en font fi ou les voudraient détruire, dressez-vous, unis : faites Camerone. Camerone n’est pas seulement la fête du courage. C’est la fête des nobles armes, c’est, au combat, la fête des Seigneurs ! »

 

 Par le Général de division Jean Maurin commandant la Légion étrangère (Képi-blanc Magazine N°798)