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La Légion ne pleure pas ses morts, elle les honore !

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| 04 Novembre 2016 | 28112 vues

À la Légion étrangère, le culte des morts revêt une importance particulière. C’est l’essence même du culte du souvenir, l’une de ses quatre traditions majeures. La Légion est la famille et la patrie du légionnaire. Par ce double attachement qu’elle crée, elle doit donc marquer plus que quiconque sa fidélité à ses morts. Le général Gaultier écrivait : “chaque fois, c’est la même idée qui revient : vivant, ma peau appartient à la Légion ; mort, elle vous appartient à vous, mes camarades !” Ainsi, l’attachement collectif à ceux qui nous ont quittés prime sur la peine individuelle éprouvée que nous procure leur départ : “La Légion ne pleure pas ses morts, elle les honore !”

 

Les frimas de novembre annoncent chaque année le souvenir des morts, comme un rituel immuable. C’était il y a plus de mille ans, en 998 : les moines de Cluny firent du 2 novembre le “jour des morts”. En choisissant comme date le lendemain de la Toussaint, ils ne se doutaient sans doute pas à l’époque, que de leur décision naitrait un véritable culte populaire des morts qui se répandra au travers des siècles, en France, puis dans tout l’occident chrétien. Aujourd’hui encore, à “la Toussaint”, les Français vont se recueillir sur la tombe de leurs aïeux, même si ce rite millénaire a tendance aujourd’hui à s’atténuer. Cette tradition populaire des chrysanthèmes revêt un caractère avant tout familial. Il exprime le besoin naturel chez tout homme de se tourner vers ceux qu’il a connus et aimés et qui l’ont quitté.

Le culte des morts militaires, en France, est beaucoup plus récent. Le nombre de soldats morts pour la France lors du 1er conflit mondial fut tel, que l’État ne voulut plus confiner uniquement à la sphère privée la mémoire du sacrifice de tous ceux qui donnèrent leur vie pour la survie de la patrie. Des monuments aux morts furent érigés dans chaque village de France, la sonnerie aux morts fut créée, et le 11 novembre entra durablement dans notre mémoire collective de Français.

À la Légion étrangère, le culte des morts revêt une importance particulière. C’est l’essence même du culte du souvenir, l’une de ses quatre traditions majeures. Ce culte trouve sans doute l’explication de sa ferveur dans le fait que la Légion est la famille et la patrie du légionnaire. Par ce double attachement qu’elle crée, elle doit donc marquer plus que quiconque sa fidélité à ses morts. Le général Gaultier écrivait : “chaque fois, c’est la même idée qui revient : vivant, ma peau appartient à la Légion ; mort, elle vous appartient à vous, mes camarades !” Ainsi, l’attachement collectif à ceux qui nous ont quittés prime sur la peine individuelle éprouvée que nous procure leur départ : “La Légion ne pleure pas ses morts, elle les honore !”

Le culte des morts s’exprime à la Légion par des applications morales, par des rites et par la vénération des tombes des légionnaires disséminées à travers le monde.

Les obligations morales sont simples, et dictées par le code d’honneur : “tu n’abandonnes jamais ni tes morts, ni tes blessés, ni tes armes”. Elles sont aussi données par la cohorte des 40 000 légionnaires morts au combat qui veillent sur leurs jeunes. En retour, ces derniers ont le devoir d’être à la hauteur du glorieux passé dont ils ont hérité de leurs anciens. Cet aspect de la mémoire est essentiel pour ancrer les jeunes légionnaires dans l’histoire collective prestigieuse de la Légion en général et de leur régiment en particulier. Il s’agit d’un réel besoin d’identifi cation au passé glorieux de la Légion. Ces dernières années, de nombreuses initiatives ont vu le jour, grâce à la volonté de sous-offi ciers déterminés : un mémorial avec le nom de tous les cadres et légionnaires du régiment, morts au combat, a été créé à Calvi, à Nîmes, à Laudun, à Saint-Christol. Je salue également le travail de bénédictin fait par le major (er) Midy, de la FSALE, qui recherche dans les archives et recense depuis plusieurs années les noms de tous les légionnaires morts au combat. Je voudrais également avoir une pensée toute particulière pour tous les volontaires vietnamiens qui sont tombés en combattant avec les légionnaires, dans les unités de Légion, en Indochine. Prochainement, nous inaugurerons une plaque en leur mémoire à l’entrée du musée d’Aubagne.

Les rites sont relatés dans nos chants “un copain dit au bord d’notre trou quelque bout d’prière”, par les témoignages lus dans KB ou dans les livres sur les obsèques tant d’un légionnaire anonyme que d’un maréchal de la Légion. Aujourd’hui, ces rites se traduisent aussi par le cérémonial immuable pour nos morts qui allie solennité du geste et simplicité légionnaire.

Le culte des morts s’exprime enfi n et beaucoup par les tombes, par les soins apportés à leur édifi cation et à leur entretien. Le Foyer d’entraide de la Légion étrangère s’attache à cette mission avec détermination.

Le 2 novembre, le 11 novembre, les légionnaires d’aujourd’hui, entourés de leurs anciens, rendront les honneurs à leurs morts, dans les carrés Légion des cimetières, aux monuments aux morts, à certains mémoriaux, au Coudoulet, à Puyloubier... Il s’agit d’un devoir, d’une mission aussi noble que celle de s’entraîner au combat, aux valeurs éducatives que l’on ne soupçonne pas. Comme Victor Hugo, ils penseront : “Ceux qui pieusement sont morts pour la patrie Ont droit qu’à leur cercueil la foule vienne et prie. Entre les plus beaux noms leur nom est le plus beau. Toute gloire près d’eux passe et tombe éphémère ; Et, comme ferait une mère, La voix d’un peuple entier les berce en leur tombeau !”

Ce peuple entier, c’est la Légion d’aujourd’hui, qui clame pour les hommes sans nom ce qu’écrivait en 1885 le capitaine de Borelli : “Mes morts, je vous salue, et je vous dis : Merci !”

 Par le Général de division Jean Maurin, commandant la Légion étrangère (Képi-blanc magazine N° 792)