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La voûte de gloire.

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| 31 Mai 2016 | 24012 vues

Avec ses 4 palmes gagnées à Loyada-Kolwezi, en Afghanistan à deux reprises, au Mali, le drapeau du 2e REP est le 1er drapeau à recevoir l’olive de la médaille militaire sur la fourragère aux couleurs de la valeur militaire.

Ainsi est qualifiée l’histoire des drapeaux de la Légion étrangère dans le livre d’or de 1931.


En ce Camerone 2016, deux de nos drapeaux ont été honorés : la cravate du drapeau du 1er REG a reçu la croix de guerre des TOE avec une barrette gravée “6e REG”. L’olive aux couleurs de la médaille militaire a été remise à la fourragère aux couleurs de la valeur militaire ornant le drapeau du 2e REP.

Que signifient ces gestes rituels honorant tout un régiment ? Derrière le changement de numéro, le 6e REG et le 1er REG ne font qu’un : le même quartier, la même mission, les mêmes hommes, la même histoire, la même communauté de destin, issue de Camerone inscrite sur les plis du drapeau, baptisée au feu lors de la Guerre du Golfe et qui continue More majorum à servir “par le sang versé” comme en témoigne la mort pour la France du major Nikolic au Mali en juillet 2014. La prochaine étape de cette reconnaissance est l’obtention de l’inscription “Koweit 1990-1991” sur le drapeau du 1er REG.

La modification du décret sur la fourragère aux couleurs de la valeur militaire lève l’impératif d’unicité du théâtre d’opération pour le décompte du nombre de citations ouvrant droit à la progression dans la reconnaissance des mérites. Avec ses 4 palmes gagnées à Loyada-Kolwezi, en Afghanistan à deux reprises, au Mali, le drapeau du 2e REP est le 1er drapeau à recevoir l’olive de la médaille militaire sur la fourragère aux couleurs de la valeur militaire.

La signifi cation profonde de ces récompenses collectives est à chercher dans l’histoire militaire en général, et à la Légion étrangère en particulier.
Il est aisé de comprendre que récompense et mérite sont liés. Dans l’histoire, la récompense est d’abord individuelle. La faute est à la peine ce que le mérite est à la récompense. D’ailleurs, dans le Code de la défense, les récompenses sont abordées au chapitre discipline : “Il appartient au chef de récompenser les subordonnés qui le méritent”. Les chefs politiques ou militaires ont toujours voulu rendre plus juste le système des récompenses : l’ordre royal et militaire de Saint-Louis, créé par Louis XIV, fut pendant 137 ans l’un des ordres militaires les plus prestigieux d’Europe et le plus populaire en France, parce que pour la 1re fois il n’était pas nécessaire d’être noble pour y être admis. La notoriété de cet ordre fut telle que Bonaparte,
Premier consul, en garda la couleur rouge du ruban lorsqu’il institua la Légion d’honneur. Après la Guerre de 7 ans, Choiseul créa le médaillon des Deux-Epées pour les sous-offi ciers et les soldats, parce qu’ils étaient exclus du dispositif des récompenses : ce médaillon survécut à la suppression des décorations en 1793, et fut attribué aux offi ciers de la Convention. Louis XV créa l’institution du mérite militaire, destinée aux nombreux offi ciers protestants de la vingtaine de régiments étrangers, parce qu’ils n’avaient pas droit à l’ordre de Saint-Louis. Louis Napoléon Bonaparte, en 1852, créa la médaille militaire et déclara lors de la 1re remise : “… Soldats, combien de fois ai-je regretté de voir des soldats et des sous-officiers rentrer dans leurs foyers sans récompense, quoique par la durée de leurs services, par des blessures, par des actions dignes d’éloges, ils eussent mérité un témoignage de satisfaction de la patrie ! … C’est pour le leur accorder que j’ai institué cette médaille… Elle assurera 100 francs de rente viagère ; c’est peu, certainement ; mais ce qui est beaucoup, c’est le ruban que vous porterez sur la poitrine et qui dira à vos camarades, à vos familles, à vos concitoyens que celui qui la porte est un brave”.

En 1915, le député Driant proposa de créer “un ordre récompensant la valeur militaire, mais en lui donnant un nom bref qui sonne clairement et qui, à lui seul, exclut la faveur de l’ancienneté. On l’appellera la Croix de guerre”. Les aigles, emblèmes ou drapeaux furent les premières récompenses militaires collectives. En France, il faudra attendre le 1er Empire pour que, s’appuyant sur l’usage antique, la pratique consistant à symboliser la reconnaissance sur les emblèmes refasse son apparition. Sur ce thème, les Russes devancèrent Napoléon, puisqu’en 1800 eurent lieu les premières attributions de drapeaux à des régiments en récompense d’actions militaires : ce furent les prototypes des bannières de Saint-Georges, attribuées en 1806.

Le 2e Étranger, après sa création, attendit trois ans son drapeau qui lui fut remis en 1844 “en récompense de la belle conduite des compagnies d’élite à Biskra et dans l’Aurès”.
Napoléon III arrêta en 1859 “que le régiment qui prendrait un drapeau à l’ennemi porterait la croix de la Légion d’honneur”.
Créée en 1916, la fourragère aux couleurs de la croix de Guerre fut valorisée par la mise en place d’un système progressif d’attribution d’autres fourragères (médaille militaire, Légion d’honneur, fourragère tricolore devenue double fourragère…) en rapport avec le nombre de citations obtenues. Il s’agissait là d’une proposition du général Pétain, commandant en chef, faite à Clémenceau après les mutineries de 1917, pour dynamiser l’esprit de corps. Le journal La liberté du 2 août 1918 rapporte : “Depuis hier, on rencontre sur le boulevard de beaux soldats, habillés de kaki, la poitrine constellée de décorations et ornée de la fourragère tricolore. Ce sont des légionnaires, dont les hauts faits ne se comptent plus. Ils viennent pour la 3e fois d’être cités à l’ordre de l’Armée et comme ils avaient été les premiers de tous nos régiments à obtenir d’abord la fourragère jaune et verte, puis la fourragère rouge, ils viennent de gagner la fourragère tricolore”.

En ce Camerone 2016, où deux de nos drapeaux ont été honorés, rappelons-nous l’origine de la commémoration du combat de Camerone. Ce n’est que le 30 avril 1906, soit 43 ans plus tard, que fut célébré pour la 1re fois l’anniversaire du combat de Camerone, au poste de Ta-Lung (Tonkin) tenu par 120 légionnaires commandés par le lieutenant François. Ayant appris que le drapeau du 1er Étranger avait reçu la croix de la Légion d’honneur, quatre jours avant à Sidi-Bel-Abbès, il fi t pavoiser le
poste et décorer de feuillages le casernement et organisa une prise d’armes. Il passa lentement en revue le détachement pour marquer la solennité de ce jour extraordinaire. Connaissant l’histoire de son régiment, il parla à ses légionnaires avec des mots simples compris de tous pour exalter devant eux la signifi cation de la décoration du drapeau. Ayant auparavant écouté avec attention les témoignages des anciens légionnaires ayant combattu au Mexique, de mémoire, il fit à son détachement le récit du combat de Camerone. Puis il demanda à ses légionnaires de ne jamais oublier l’exemple de leurs anciens de Camerone, et de savoir, comme eux, quand il le faudra, mourir pour l’honneur du drapeau. Quand il eut terminé, il tira son sabre et fit présenter les armes au drapeau chevalier de la Légion d’honneur, comme s’il avait été là devant eux.
Ce 30 avril 1906, le lieutenant François fit plus que lancer le rite de Camerone. Il comprit et fi t comprendre à ses légionnaires ce que sont les récompenses collectives militaires.

Par le Général de division Jean Maurin, commandant la Légion étrangère (Képi-blanc Magazine N°788)