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Noël légionnaire, un rite fédérateur

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| 22 Décembre 2015 | 31710 vues

L'humble rite de Noël faire revivre l’espérance chez le légionnaire, dans la chaleur de sa nouvelle famille, et le conforte dans son devoir de solidarité envers ses pairs.

Noël, fête chrétienne marquant la venue sur terre pour tous du Messie tant annoncé par les Juifs, est, par-delà toutes les croyances, la fête de la famille légionnaire. Tous les ans, depuis sa création en 1947, Képi blanc marque cette fête incontournable de notre patrimoine légionnaire, en adressant à tous ses lecteurs les messages du général commandant la Légion étrangère (appellation actuelle), et des aumôniers catholique et protestant.

Je voudrais tout d’abord souligner l’importance au sein de la grande famille Légion du rite de cette fête de Noël, qui de tous temps a été fêtée à la Légion étrangère. Il s’agit bien d’un rite, complémentaire de celui de Camerone. À la “liturgie martiale” de la remontée de la Voie sacrée par le porteur de la main du capitaine Danjou entouré des pionniers, suivi du récit du combat de Camerone, répond à égal le cérémonial familial du Noël légionnaire. Pour parodier Saint-Exupéry dans Citadelle, je rajouterais, “un cérémonial à la façon d’un conte de fées pour ceux qui comprennent la vie”, car “les rites sont dans le temps ce que la demeure est dans l’espace”. On peut d’ailleurs poursuivre sur ce thème du rite avec le dialogue entre le Petit Prince et le renard : “Il faut des rites. - Qu’est-ce qu’un rite ? - C’est aussi quelque chose de trop oublié. C’est ce qui fait qu’un jour est différent des autres jours, une heure, des autres heures”.

De même que le rite solennel de Camerone dicte au légionnaire les lois intangibles du caractère sacré de la mission et de la fidélité à la parole donnée, le rite plus humble de Noël faire revivre l’espérance chez le légionnaire, dans la chaleur de sa nouvelle famille, et le conforte dans son devoir de solidarité envers ses pairs. Tout récemment, lors de la cérémonie hebdomadaire de départ à la maison mère, l’un d’eux, arrivant au terme de 33 années de service avec honneur et fidélité, me confi ait : “Noël, pour le légionnaire, c’est ce qui lui dit intérieurement, malgré les difficultés : cela vaut le coup, il faut continuer”.

Comment mieux vivre chaque année le rite du Noël légionnaire, pour lui garder ce sens ?
Par l’attention portée aux crèches dans les sections, les compagnies, au quartier ou en opération. Car comme l’écrivait le colonel Goupil, commandant le Groupement de la Légion étrangère dans le KB de décembre 1977 : “Une crèche légionnaire : à ceux qui sont venus dans le doute, elle répond confiance ; à ceux que l’inquiétude ronge, elle apporte sérénité ; à ceux que l’isolement écrase, elle assure fraternité”. Existe-t-il en effet quelque chose de mieux à Noël, que la crèche représentant une famille “mise à la porte” et accueillie par des bergers, pour symboliser le don de l’accueil, si cher à la Légion étrangère ?
Par le besoin de prendre du temps, de faire une pause, malgré les programmes chargés, pour que ce rite de Noël légué par nos anciens, nous permette à tous de comprendre que la nuit du 24 au 25 décembre n’est pas une nuit comme les autres.
Par l’attention portée à tous, et en particulier aux plus jeunes légionnaires, surtout s’ils viennent de l’autre bout du monde, et qui vont vivre leur premier Noël à la Légion. Que la chaleur de leur nouvelle famille tente de faire oublier le poids d’une solitude ou le vide de certaines absences.
Par la parole libérée, franche et respectueuse entre frères d’armes, et par l’humour des sketches.
Par le chant, la fermeture des télévisions et radios, et la victoire de l’être sur le paraître.
L’année dernière, je souhaitais aux anciens de conserver toujours en eux la fierté d’avoir servi sous le fanion vert et rouge, et de guider avec attachement les plus jeunes. À la Légion d’active, je souhaitais de puiser dans la fraternité de la nuit de Noël les véritables signes de l’espérance qu’elle attendait en laissant parler son coeur.

Cette année, je voudrais à tous faire renouveler ce message intemporel, mais aussi faire revivre ce qu’écrivait sur Noël le général Gaultier, ce grand officier de la Légion étrangère qui allia à une riche expérience opérationnelle (il fut cité onze fois) sa détermination, dans la lignée du général Rollet, à créer la Légion moderne.

“Grands, émouvants, exaltants, bruyants, joyeux Camerone ! Et cependant, les souvenirs des anciens se cristallisent autour de Noël qui, quelle que soit son ampleur, fonction des circonstances, de l’effectif, est la fête numéro un de la Légion étrangère, la fête la plus lénifiante au coeur des légionnaires. Pour ces hommes seuls, exilés, proscrits, pour ces hommes souvent originaires d’Europe centrale, romantique et mystique, Noël est un souvenir, Noël est un espoir, Noël est une halte, une douceur ! Souvenir d’enfance, espoir de jours meilleurs, halte dans une route sans pitié, dévoratrice d’efforts incessants, douceur de la pause à l’Oasis… Bien sûr pour toi, légionnaire, il y a quelque chose au-delà de l’atmosphère familiale recréée dans ta compagnie ou ta section ! Bien sûr ta pensée s’échappe… là-bas… vers le village enseveli sous la neige, vers… la Poméranie où ta mère avec ses enfants restés au pays chante recueillie, triste peut-être de ton absence, le Stille Nacht que tu entonnes ici avec tes camarades. Certes la réalité remplace mal ce qu’il y a sous ce… rêve. Mais rien ne manque : ni la messe de l’aumônier, ni, à défaut, les choeurs qui sont ce soir plus pieux, plus recueillis qu’à l’ordinaire, même ceux dont les paroles sont profanes, ni le reste, ni surtout la crèche… Mais rien ne manque : ni l’amélioration de l’ordinaire… ni les cadeaux tirés au sort…ni les choeurs où que l’on soit… Car partout et toujours, c’est la même marque de solidarité, de fidélité qu’a exprimée notre grand chantre Borelli :
Et moi je souriais de vous sentir contents…
Vous vouliez, n’est-ce pas, qu’à l’heure du retour, Quand il mettrait le pied sur la terre de France, Ayant un brin de gloire, il eût un peu d’amour !”

Joyeux Noël légionnaire !

 

Par le Général de division Jean Maurin commandant la Légion étrangère (Képi-blanc Magazine N°783)