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Joyeux Noël !

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| 06 Janvier 2015 | 29033 vues

C’est bien en famille, au sein de la grande famille Légion, que nous allons à nouveau célébrer Noël dans les régiments, ensemble, cadres et légionnaires de tous grades et de toutes anciennetés.

Et voici Noël, grande fête légionnaire par-delà toutes les croyances, et fête familiale par excellence. C’est bien en famille, au sein de la grande famille Légion, que nous allons à nouveau célébrer Noël dans les régiments, ensemble, cadres et légionnaires de tous grades et de toutes anciennetés. Mais pour quelles raisons ? L’individualisme actuel ne nous pousserait-il pas à ne réunir dans la nuit de Noël que le personnel pris par les obligations du service ? Et bien, non. Car aussi vrai que Camerone est commémorée avec solennité le 30 avril quel que soit l’endroit, pour célébrer le culte sacré de la mission et de la parole donnée, Noël est fêtée avec ferveur par toute la communauté légionnaire lors de la veillée du 24 au 25 décembre, quelles que soient les circonstances, pour qu’au cours de cette nuit, plus que jamais, la Légion tienne de famille au légionnaire. Pour que ce Noël soit pour tous un bon Noël légionnaire, je souhaite vous délivrer trois messages.

Tout d’abord, il s’agit de prendre conscience de la richesse de l’héritage construit et légué par nos anciens. Noël a de tous temps été fêté à la Légion étrangère. Les écrits nous disent que dès la fi n de la guerre de 1870, les Alsaciens et les Lorrains ont donné le ton. Puis, le témoignage verbal le plus ancien est celui d’un habitant de Fez en 1912 : “au 3e Bataillon du 2e Étranger, la veillée se passait autour d’une crèche vivante, comme c’était alors la tradition. Les draps, les chèches, les ceintures bleues constituaient l’essentiel des déguisements de la Sainte-Famille et des bergers ; une poupée représentait l’enfant Jésus, et parfois, un bourricot emprunté à un Arabe ajoutait au réalisme du tableau ; une année même, une moukère avait tenu le rôle de la Sainte Vierge, et l’avait même fort bien tenu. À minuit, les offi ciers venaient dans les chambres et la veillée commençait alors autour de la crèche avec ses chants, ses choeurs allemands, russes et espagnols… Les Allemands priaient plus que les Français…”. Le réveillon de l’époque se limitait à un quart de vin chaud. Pendant l’entre-deux guerres, les veillées s’étoffèrent, et comportaient de véritables spectacles, avec presque toujours des mangeurs de verre ou de rasoirs, des illusionnistes, des cracheurs de feu, des ventriloques, des danseurs… Cette tradition a d’ailleurs perduré dans les postes isolés de Djibouti dans les années 1970. Depuis les années 1950, les crèches ont souvent été confectionnées au niveau des compagnies. Toujours plus nombreuses au fi l des années, ces crèches sont visitées par le colonel qui remet un prix à la plus belle : pas moins de 33 crèches lors du dernier Noël à Sidi bel Abbès en 1961. Plus près de nous, même en opération, en bivouac sur le terrain, l’esprit de Noël demeure : témoin cet extrait du Journal de marche et d’opérations de la 3e compagnie du 2e REP en Somalie, le 24 décembre 1992 : “Déplacement de Baïdoa à Haddour, arrêt à 17h30 à 30 kms au sud-ouest de la ville, préparation du bivouac pour Noël. Messe à 20h30, remise des cadeaux, pot, sketches et dîner. La compagnie est rassemblée autour d’une petite crèche et d’un sapin de fortune… Humilité et chaleur d’un Noël sur la piste ! Coucher tardif”. Ainsi, la Légion s’est donc toujours ingéniée à créer pour Noël une ambiance permettant aux légionnaires de retrouver autour de la crèche la chaleur de leur nouvelle famille qui tente de faire oublier le poids d’une solitude ou le vide de certaines absences.

Deuxièmement, Noël est l’occasion de former des voeux d’espérance. En décembre 1947, le colonel Gaultier, commandant le dépôt commun des régiments étrangers, utilisa le jeune journal Képi Blanc créé à Camerone de la même année, pour souhaiter un joyeux Noël aux légionnaires en opération ou en mission aux quatre coins du monde : “… Voici venir la fête qui égale celle de Camerone. Qu’elle soit pour vous aussi douce que possible. … Noël, Noël, gloire à la Légion sur la terre et paix au plus profond de nos coeurs unis les uns aux autres par la pensée…”. Dans ce même numéro de KB, le père Jean Hirlemann, compagnon de la Libération, aumônier de la Légion étrangère, écrivait : “Noël à la Légion est une fête de famille. Képi blanc vous le rappelle. C’est aussi, chez nous, la fête de l’espérance. En vous disant cela, je ne veux pas tomber dans le genre “sermon”, je tiens simplement à rappeler une vérité : on vient à la Légion parce qu’on espère : aussi, dans la monotonie des jours qui passent, Noël a sa place, sa grande place… Courage, Noël donne un sens à notre vie de légionnaire”. Ainsi, depuis 1947, grâce au journal Képi blanc, le colonel commandant le dépôt commun des régiments étrangers (aujourd’hui le général commandant la Légion étrangère), et les aumôniers catholique et protestant adressent leur message aux légionnaires comme aux anciens légionnaires. Je poursuis donc cette tradition : “Chers anciens, rappelezvous les Noëls à la Légion. Je vous souhaite de conserver toujours en vous la fi erté d’avoir servi sous le fanion vert et rouge, de guider avec attachement les jeunes légionnaires que vous êtes ou serez amenés à rencontrer, et d’être partout les témoins vivants et fi dèles de la pérennité légionnaire. Légionnaires d’active, je vous souhaite de puiser dans la fraternité de la nuit de Noël les véritables signes de l’espérance que vous attendez : laissez parler votre coeur. Et si vous avez une famille personnelle, dites-lui que la discrétion avec laquelle elle s’efface la nuit de Noël pour vous laisser avec vos frères d’armes, est tout à son honneur”.

Enfin, pour que Noël soit vécu par tous comme un vrai signe d’espérance, voici quelques conseils : prenez le temps de casser la routine pour préparer avec soin les crèches, les sapins, la décoration des chambres, la veillée et ses sketches. Participez activement au tournoi sportif de Noël. Après le repas de veillée, dans les sections, éteignez les radios et télévisions ; chantez et pas seulement les chants habituels, mais les chants de votre pays d’origine ou de votre jeunesse ; partagez les avec vos camarades ; portez une attention particulière aux légionnaires qui fêtent leur premier Noël à la Légion en les écoutant, en les épaulant, et en vivant pleinement cette fraternité d’armes : la nuit de Noël, cette fraternité nait de la rusticité de la crèche qui, par la chaleur et la paix qu’elle apporte, comble les hommes de bonne volonté que sont les bergers.

Alors, ce Noël légionnaire, qu’il soit le premier ou le 40e (Joyeux Noël, major “154 658” !), marqué par l’espérance, sera un vrai Noël.

 

Par le Général de division Jean Maurin commandant la Légion étrangère (Képi-blanc Magazine N°772)