Le 1REC, régiment moderne ancré dans la tradition des cavaliers étrangers au service de la France

Le 1REC est aujourd’hui le plus ancien régiment à l’ordre de bataille de l’armée de terre à n’avoir jamais connu, depuis sa création, ni dissolution, ni changement de nom ou discontinuité physique du jour au lendemain.

Par Saint-Antoine et par Saint-Georges !

Dans l’histoire de la Légion étrangère, tradition et modernité se mêlent dans une quête commune de l’excellence. Que ce soit lorsqu’elle adopta les compagnies montées, la cavalerie, la motorisation de ses unités, les parachutistes ou plus récemment le génie, la Légion voulut toujours atteindre le meilleur, en alliant à la tradition bien ancrée des cultes de la mission et de la fidélité à la parole donnée hérités de nos héros de Camerone, le sens de l’innovation nourri par ses réelles capacités d’adaptation aux contraintes et aux événements. Cette confrontation entre tradition et modernité ne s’est certes pas toujours faite sans heurt, mais elle a toujours été couronnée de succès. Le dossier consacré au 1er Régiment étranger de cavalerie, dans le magazine de la Légion Képi Blanc, m’amène à prendre en exemple l’histoire des légionnaires cavaliers pour illustrer ce succès du mariage légionnaire entre tradition et modernité.

90 ans après sa création, la Légion fête sa première Saint-Georges à Sousse le 23 avril 1921, mettant ainsi à l’honneur les jeunes escadrons « Emonet » et « Rapp » du 1er Régiment étranger d’infanterie, nés en septembre 1920 à Saïda. Les escadrons « Airaud » et « Landriau » sont créés à leur tour à Gafsa et Zarzis en 1921. Ces quatre escadrons formés par le 1er Régiment étranger d’infanterie, et destinés à la Tunisie, deviennent le 1er octobre 1922 (décret du 20 juin 1922) le 1er Régiment étranger de cavalerie. Ce ne sont pas les premiers cavaliers de la Légion. Au Mexique, il y avait un escadron au Régiment étranger. Puis, d’autres unités à cheval furent créées, avant d’opter principalement, dans les compagnies montées, pour le mulet qui mangeait moins et marchait plus longtemps et plus chargé dans le désert.

 

A sa création, ce jeune régiment possède peu de ces anciens, cadres et légionnaires, qui constituent le noyau des nouvelles unités des régiments étrangers d’infanterie et transmettent à la masse des nouveaux venus les traditions et l’expérience acquise au cours de la Grande Guerre et pendant les campagnes précédentes. Il est formé essentiellement de jeunes légionnaires, anciens cavaliers des armées étrangères, qui restent peu de temps à Sidi-Bel-Abbès, la maison mère : Russes rescapés de l’armée Wrangel bousculée par les Bolchéviques, Polonais et Baltes exilés par le nouveau partage de l’Europe, Autrichiens, Hongrois et Croates orphelins de leur Empire démantelé par le Traité de Versailles.

Il reçoit le meilleur des cadres de la cavalerie française, de métropole et d’Algérie, mais l’amalgame n’est pas simple. Le général Gaultier a connu, comme lieutenant au 3ème Etranger, cette période délicate. Il écrivit plus tard : « Quant aux officiers et à certain nombre de sous-officiers (on appelle ceux-ci les cadres blancs), ils ignorent tout (ou presque) de la Légion mais ils ont été bien choisis et leur qualité pallie cette carence, surtout dès qu’ils réalisent que toute manifestation de l’esprit cavalier (sous son mauvais aspect d’affichage de la conviction de sa supériorité) compromettait l’indispensable unité. D’ailleurs, la troupe et les sous-officiers formés au régiment, qui, malgré leur spécialisation, restent soumis à la règle générale de l’interchangeabilité entre les régiments de Légion, ne serait-ce qu’à cause des relèves de l’Extrême-Orient, prime accordée à l’ancienneté, empêchent tout déviationnisme excessif, toute sécession. Néanmoins, les conditions de l’encadrement, l’étiquette de cavalerie, nouvelle venue, l’autonomie et l’éloignement de son dépôt créé à Sousse marquent le 1er REC d’une certaine indépendance et le condamnent dans les premiers temps à ne pas être considéré comme étant tout-à-fait de la famille par les vieux corps d’infanterie, légitimes et solides gardiens de la tradition. Il semble que le commandement, à moins d’avoir péché par oubli, ait voulu lui aussi faire une distinction puisqu’il faudra attendre 1934 pour que l’inscription « Camerone 1863 » commune à tous les régiments de Légion soit inscrite sur l’étendard du 1er REC ».

Cependant, dès sa création, le jeune 1er REC a le souci de s’ancrer à la fois aux traditions des cavaliers étrangers au service de la France sous l’ancien régime, et à celles de la Légion étrangère. Le régiment du Roy, devenu en 1659 le Royal étranger de cavalerie, est l’ancêtre incontesté du 1er REC qui prend d’ailleurs sa devise « Nec pluribus impar ». Le lieutenant Jacques Weygand écrit dans son livre « Légionnaire » que le chef de corps du 1er REC accueillait les lieutenants nouvellement affectés à Sousse en les questionnant sur le combat de Camerone, et en les incitant vivement à connaître l’historique du 1er Etranger d’infanterie. Comme plus tard pour les parachutistes ou les sapeurs de la Légion, c’est avant tout le baptême du feu qui intronise la nouvelle confrérie de guerriers dans la tradition légionnaire. Trois ans après sa création, le 1er REC combat simultanément au Maroc et en Syrie. Les exploits de bravoure ne se comptent pas. Le 4ème escadron inflige aux Druses des pertes considérables et après six heures de combat les contraint à se replier en abandonnant sur le terrain plus de 200 morts et en laissant huit drapeaux. Dans le même temps, au Maroc, le 3ème escadron participe à toutes les opérations et compte dans ses rangs le premier tué du régiment, le brigadier Lubovitzscy. Les faits d’armes se poursuivent. Le REC se motorise partiellement et fait en 1932 un raid transsaharien de plus de 2500 kilomètres sur Bidon V (aujourd’hui Bordj El Moktar). Du jamais vu pour une unité de cavalerie légère. Le général Rollet dira du 1er REC : «  ce Régiment est un Monsieur ; ce Monsieur est un Seigneur. » Ses deux escadrons isolés au Maroc forment le noyau dur du 2ème REC créé en 1939. Il perd un tiers de ses hommes dans les combats pour la Libération de la France, et compte jusqu’à 18 escadrons en mai 1954.  Au début de la guerre d’Indochine, il envoie de nombreux renforts de cadres de qualité aux unités Légion d’infanterie ou parachutistes pour combler leurs pertes massives. En 1957 les deux REC passent chacun un escadron au 1er REP avec un réel souci des cadres et des hommes qu’ils sélectionnent.

L’histoire moderne du 1er REC est davantage connue ; je n’y reviens pas. C’est aujourd’hui le plus ancien régiment à l’ordre de bataille de l’armée de terre à n’avoir jamais connu, depuis sa création, ni dissolution, ni changement de nom ou discontinuité physique du jour au lendemain. L’ancrage dans la tradition allié au souci constant d’aller de l’avant pour toujours rechercher l’excellence lui a porté chance et succès. Que Saint-Antoine et Saint-Georges continuent à le soutenir dans la poursuite de sa chevauchée glorieuse !   

Par le Général de division Jean Maurin commandant la Légion étrangère (Képi-blanc Magazine N°797)

| Ref : 524 | Date : 31-03-2017 | 22534