Larzac : première bougie

L'installation de la 13 au Larzac a été un vrai défi. A ce stade, la réussite est totale, au prix d’un investissement personnel et collectif très fort.

Il y a quarante ans, lors d’une émission télévisée, le général d’armée Lagarde, chef d’état-major de l’armée de terre, répondait à une question concernant les critiques formulées à l’encontre de la Légion étrangère en ces termes :

  « Il a toujours existé et il existe encore de par le monde des hommes qui sont à la recherche d’une Patrie, qui sont à la recherche d’une régénération personnelle, à la suite de difficultés sentimentales – pourquoi en sourire ?, - à la suite de difficultés politiques ou à la suite de difficultés personnelles secrètes, mystérieuses, et qui ont besoin de se replacer sur orbite. Ils choisissent pour voie préférentielle celle de l’austérité, celle de la sévérité, celle de la rigueur, celle du dévouement gratuit, la Légion. Récemment encore, les légionnaires avaient l’orgueil de dire qu’ils n’étaient sans doute pas Français par le sang reçu, mais qu’ils l’étaient par le sang versé. Alors, voilà à quoi sert la Légion… La loi interdit au gouvernement d’envoyer hors de France, en temps de paix, des soldats du contingent dans les situations de crise. Avec la Légion, la République dispose, pour ses intérêts propres ou, le cas échéant, pour des entreprises internationales auxquelles elle aurait donné sa caution, d’un instrument d’une valeur sans égale qui, au presse bouton, est capable de faire face à n’importe quelle mission, la guerre s’il le fallait, mais aussi des routes en Amazonie par exemple [...]. Voilà à quoi sert la Légion, mais elle sert aussi à donner à ceux qui n’en ont pas une Patrie, une famille, des amis, de l’espoir et une dernière chance. »  


Le général Lagarde, marsouin, connaissait bien les légionnaires pour les avoir eus sous ses ordres au combat en Indochine à plusieurs reprises (unités de marche de la 13 en Cochinchine, 3ème compagnie du 3ème REI au Tonkin, 1er Escadron du 1er REC en Annam et Cochinchine).

En relisant cette entrevue, rapportée dans le Képi blanc de mai 1977, je pensais non plus aux routes construites en Guyane par la sueur des légionnaires et parfois par leur sang, mais à l’installation aujourd’hui de la 13 sur le plateau du Larzac : austérité, sévérité, rigueur et dévouement gratuit. Ces mots cités il y a 40 ans par le général Lagarde sont vécus depuis un an au quotidien par les légionnaires de la 13. Le camp du Larzac n’a jamais hébergé un régiment. Jusqu’à l’arrivée de la 13 il y a un an, c’était un camp destiné aux troupes de manœuvre, à l’hébergement, donc, rustique. La mission d’installation de la 13 au Larzac est un vrai défi : il s’agit en effet de résoudre l’équation de la construction de l’infrastructure moderne d’un régiment d’infanterie à 1200 hommes (chantier sur 6 années), soumise à la contrainte de la montée en puissance rapide des effectifs sur trois ans (2015-2018), et à celle du budget.

A ce stade, la réussite est totale. Aux qualités des légionnaires précitées, gages du succès de la montée en puissance des effectifs et de la formation de l’état-major régimentaire et des compagnies, s’ajoute la mobilisation totale de tous les acteurs de ce programme ambitieux et fédérateur. Je leur exprime à tous ma pleine reconnaissance pour le chemin parcouru, au prix d’un investissement personnel et collectif très fort : sous l’impulsion décisive de l’administration centrale dont en premier lieu l’état-major de l’armée de terre, ces acteurs sont le commandement de la zone Terre Sud-Ouest, l’ensemble des chaines zonales de commandement et de soutien, les unités des services d’infrastructure de la défense du Sud-Ouest, la base de défense de Toulouse, le groupement de soutien de la base de défense de Toulouse Castres, les organismes de l’Etat coordonnés par la préfecture de l’Aveyron et la sous-préfecture de Millau, sans oublier les nombreux acteurs des forces terrestres.

Le 1er bâtiment de compagnie (bâtiment modulaire durable) va être livré dans un mois. Deux autres suivront en août et décembre. Deux bâtiments pour cadres célibataires sont attendus au 1er trimestre 2018. L’hébergement (bâtiments en dur) devrait être terminé en 2020, et pour 2021 sont prévus le nouveau mess, la zone Scorpion, les équipements de sport et le reste… En attendant, les légionnaires de la 13 s’entrainent, se préparent, se forment, créent leurs groupes, leurs sections, leurs compagnies, et s’identifient à l’âme de la Phalange magnifique. Car il ne s’agit pas d’une agglomération d’hommes en quête d’une âme collective. Comme l’écrivait si justement le général Barail, rapporté dans le Livre d’or de la Légion étrangère de 1931, « Les corps dans l’armée ont une existence intellectuelle et morale, en quelque sorte indépendante des hommes qui les composent, et les mutations aussi nombreuses qu’on les suppose, sont impuissantes à modifier les traditions de leur berceau. Cela se conçoit du reste, puisque ces mutations sont individuelles et espacées, et puisque les nouveaux venus, fondus dans l’ensemble, prennent facilement le ton du régiment dont le fond reste immuable. »

More majorum !

Par le Général de division Jean Maurin, commandant la Légion étrangère (Képi-blanc Magazine N° 796)

 

| Ref : 500 | Date : 22-02-2017 | 27336